Dans l'avion, tous les passagers dorment, plongés dans la nuit artificielle des hublots rabattus. J'ai envie de regarder un film, un de ceux que personne n'a voulu voir avec moi. Je me cale dans mon siège, casque sur les oreilles et c'est parti.
Ah mince, sans les sous titres je comprends rien. Je connais bien l'accent québécois pourtant, mais là... Ok on recommence, voilà. Avec les sous titres c'est mieux même si parfois les traductions sont un peu trop édulcorées.
Ah, oui j'aurais pu m'en douter, c'est l'histoire d'une relation mère-fils. Je sens dès les premières minutes que je ne vais pas trop pouvoir retenir mes larmes, les personnages sont trop profonds, trop touchants, trop miroir. Je croise les doigts pour que personne ne se réveille autour de moi, je me demande combien de temps doit durer la nuit dans un avion, alors que dehors le soleil brille sans doute déjà.
Ok, la scène de "on ne change pas" arrive. Communion musicale à trois. Moi ça me rappelle tous ces moments de calme au milieu de la tempête, des moments de grâce quand rien ne va, quand le monde s'écroule. Et puis Kyla. Je sens que Dolan va nous faire la théorie des dominos à l'envers. Ces trois là vont se relever ensemble.
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La scène du supermarché. Cool du longboard. Cool, ils sont heureux à faire n'importe quoi au milieu de la route, le cadre est ouvert par Steve sur Wonderwall, et ma cage thoracique se décontracte. Le noeud dans le ventre se desserre. On souffle, on respire.
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Mauvaise nouvelle. Merde. L'histoire de l'incendie, tout ça. Le truc du début qu'on avait bien volontiers pardonné qui nous rattrape. Comme dans la vie. Noeud dans le ventre, rebelote.
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La scène du karaoké. L'injustice. La chose qui m'énerve le plus au monde. Putain mais tu pouvais pas lui foutre la paix, toi le petit con du bar ? C'est pas déjà assez dur pour lui, de chanter devant tout le monde sa chanson mignonne, un peu juste à moitié faux, alors que sa mère est avec un autre homme sous ses yeux ? Tu sais pas ce que c'est, ce qu'il vit, fous lui la paix. Arrête. Non t'arrête pas. Steve lui casse la gueule, et moi je me dis qu'il a bien fait. Oui mais c'est lui, l'enfant dérangé, violent. Alors ça va lui retomber sur le coin de l'oeil, c'est sur. L'injustice je vous dis, c'est terrible.
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La scène finale. Ça sonne faux. Je reconnais ça. Alors je sais. Et quand ils lui passent la camisole, et quand la mère regrette instantanément, je sais.
Parce que là, Dolan nous rappelle un peu que c'est pas parce que c'est un film que tout va s'arranger comme par magie. D'ailleurs je crois que sur le coup c'était même plus vraiment un film. J'ai parlé avec d'autres personnes qui m'ont dit ne pas s'attendre à la fin, à avoir été choquées. Ah bon mais tu croyais que ça allait finir comment ? "On ne change pas", on était prévenus pourtant.
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Entre ces scènes, peut être quelques longueurs, quelques lourdeurs.
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Au dessus des nuages, les gens commencent à se réveiller et moi je suis presque sans voix, le coeur lourd.
Quelle idée de regarder ce film dans un avion, vraiment !
Bon il y a quoi d'autre ? Les nouveaux héros ? Ah, parfait. Après Mommy, on a besoin d'un peu de couleur il me semble. Et d'un petit dej. Ça tombe bien !