L’avantage avec François Ozon, c’est qu’on ne peut pas lui reprocher le radotage : les années se succèdent, et les projets s’enchaînent dans de multiples directions, avec, il est vrai, une certaine prédilection pour l’adaptation théâtrale – les mauvaises langues expliqueront que le boulot est prémâché, et que le budget en décors s’en verra réduit.
Le théâtre est aussi pour le réalisateur l’occasion de prendre à bras le corps un thème récurrent de son œuvre, celui de l’artificialité et du rôle joué par ses personnages. De Huit Femmes à Potiche, en passant par Une nouvelle amie ou L’Amant double, ses protagonistes brandissent fréquemment de manière assumée une certaine facticité, et le cinéaste évacue rapidement la question de la crédibilité, voire du réalisme. C’est le cas dans Mon Crime, sorte de polar boulevardier situé dans les années 30, où deux amies, l’une actrice et l’autre avocate, vont tenter de survivre dans un monde phagocyté par le patriarcat.
Les quelques résonnances avec l’époque sont évidemment mises en valeur, le sujet pouvant proposer une version utopique et prophétique du mouvement MeToo, où les femmes prennent la parole et affrontent leurs oppresseurs, mais on est d’avantage sur le saupoudrage et le clin d’œil qu’une réflexion approfondie.
Rien, d’ailleurs, ne l’est vraiment : Ozon s’amuse, avec, comme toujours, à sa disposition un casting de haute volée, réunissant la jeune garde montante (le duo Marder/ Tereszkiewicz) et les inamovibles dinosaures (Huppert, Luchini, Dussollier, et désormais Danny Boon) qui réapparaissent de temps en temps pour qu’on puisse justifier de les avoir placés dans la bande-annonce.
S’amuser, pour Ozon, signifie donc ne rien prendre véritablement au sérieux – ce qui peut s’avérer un parti-pris tout à fait salutaire, pourvu qu’on embarque à sa suite le spectateur. Quelques petits exercices de style sémillants (les reconstitutions, en effet Rashomon, noir et blanc muet, des différentes versions du crime éponyme) n’occultent pas la laideur cheap des décors sur fond vert, et si l’on croyait pouvoir compter sur une intrigue policière et judiciaire retorse, on devra aussi faire sans. Linéaire, sans surprise, elle est traitée avec la même désinvolture que le reste. En somme, tout le monde se moque d’à peu près tout. Ce qui compte, c’est le cabotinage des comédiens qui viennent dans la lumière, font leur petit numéro en accentuant à outrance la dimension théâtrale du projet, avant d’enchaîner sur le morceau suivant. Au risque de complétement désintéresser le spectateur, et de s’inscrire dans cette incongrue catégorie de films d’une durée standard (1h42) mais capables de générer un ennui abyssal. On retiendra au moins cette singularité.