En adaptant l’ouvrage éponyme autobiographique de Sueko Yasumoto, Shohei Imamura relate impersonnellement comment quatre jeunes gens d’origine immigrée coréenne vont se retrouver obliger en enchaîner les petits boulots pour survivre, suite à la mort de leur père. L’intrigue se place au milieu des années 50 sur l’île de Kyushu, dont la petite ville en question est réputée pour son importante industrie charbonnière et constituant l’activité principale de l’ensemble de l’archipel.
Un film faisant de multiples allusions à la crise économique et aux grèves, constituant un drame social du côté des enfants, plus particulièrement au sein du milieu ouvrier. Cette fiction est ancrée dans une catégorie en puissance très populaire au Japon, le drame social pour enfants, ce qui ne l’empêche pas pour autant de porter un aspect économique très abordé. En plus de la figure enfantine, c’est la figure du multiculturalisme qui est convoquée : si les Coréens et les Japonais cohabitent avec difficulté, c’est selon les différentes directions que prend l’intrigue, non pas lié à la dureté du patronat, mais à un cruel manque de stabilité des emplois.
Shohei Imamura contrairement à Yasujiro Ozu, a débuté sur grand écran seulement deux ans avant la sortie de ce long-métrage, son troisième par ailleurs, ce qui renforce le regard innocent qu’il porte sur les événements relatés. L’ensemble de ces mésaventures ne trouvera nulle occasion de réunir les quatre frères et sœurs, séparés par la spontanéité du cours des événements mais qui serait nécessaire en raison de l’animosité.
Tout en relatant singulièrement les conséquences de la guerre de Corée, Mon deuxième frère porte avant tout sur les relations fraternelles, et plus largement la figure familiale comme modèle de vie, toutes mises en péril par un climat politique des plus tendus. Le film se veut avant tout un pessimiste constat social prenant la peine de dénoncer pour la même occasion les conditions difficiles des travailleurs. Le camp ouvrier est lui-même représenté comme une large famille dont les liaisons ont été rendues ambiguës par un climat ne tournant pas faveur des plus précaires. Les vues panoramiques des enfants au-dessus de leur village par exemple servent à leur offrir de la hauteur au moment où ils en ont besoin, ce qui de plus, neutralise moins le point de vue adopté par ce film non dénué d’ambiguïtés, voire de naïvetés, mais loin d’être impartial. Cette mise en perspective de la famille avec le milieu du travail n’est par ailleurs pas sans rappeler Il était un père d’Ozu, réalisé en 1942, narrant comment un père conjugue sa relation avec son fils et son devoir.