En dessous de lui il n’y a personne…

Incroyable…
Et j’avoue que j’en suis presque le premier surpris : je n’ai pas du tout aimé « Mon Ket » de François Damiens.


Pourtant j’adore le gars.
J’adore ce qu’il fait.
Et bah non, ça n’a pas suffi.
Au final : plaisir (presque) zéro…


Pourtant le contrat avait l’air alléchant présenté comme ça. Et l’air de rien, ce qu’on nous proposait là était tout de même sacrément culotté et original comme projet.
Reproduire ainsi le concept de la caméra cachée, mais le tout inséré dans une logique de fiction scénarisée, moi personnellement je n’ai jamais vu ça et j’étais curieux de voir ce que cela pouvait donner comme proposition de cinéma.
Pour moi l’intérêt était double : d’un côté il y a le plaisir de retrouver la mécanique savoureuse des épisodes de « François l’embrouille » du même Damiens.
De l’autre il y a ce dispositif qui a tout pour intriguer le spectateur curieux.


Personnellement, à chaque scène, je me demandais comment l’ami Damiens était parvenu à planquer toutes ses caméras (et parfois ses techniciens) pour ne pas attirer l’attention des acteurs involontaires de ce film.
L’exercice est assez excitant, surtout quand on prend la peine d’évaluer toutes les contraintes.
Bref, sur le papier le postulat est génial.
Pire, je trouve même que sur le plan de la concrétisation, « Mon Ket » accomplit sa tâche avec sérieux.


Seulement voilà, au final, ce film, je n’ai pas pu l’encaisser du tout.
Très vite l’ennui s’est installé et l’agacement a commencé à monter.
Pourquoi ?
Eh bien je pense que ça vient du dispositif justement.
Aussi audacieux puisse-t-il être, je pense qu’il est dans la pratique totalement inopérant (du moins sur des spectateurs comme moi).


Le premier problème, c’est qu’à brouiller ainsi les cartes entre d’un côté la captation d’un réel spontané et de l’autre la création d’un artifice impliquant une narration sur le long terme, on pose le spectateur face à deux démarches opposées et contradictoires.
D’un côté la fiction appelle à suspendre son incrédulité pour s’immerger dans l’histoire, et de l’autre le dispositif formel incite sans cesse au questionnement sur l’artifice utilisé et à l’esprit critique.
Alors après, certes, ce problème peut très rapidement être résolu en laissant de côté l’histoire (qui relève de toute façon clairement du prétexte), et en se focalisant du coup davantage sur le jeu de mascarade opéré avec ces acteurs involontaires que sont les victimes de notre François l’embrouille 2.0. Seulement voilà, dès qu’on fait ça, on se retrouve très rapidement avec un film qui ne se réduit qu’à une simple accumulation de caméras cachées.
Et c’est là qu’on touche selon moi à une deuxième limite du concept : l’absence de continuité entre les différences séquences.


Car oui, il ne faudra pas s’imaginer des personnages récurrents parmi les acteurs involontaires.
Ils apparaissent une fois ; ils ont leur séquence, et ensuite on ne les voit plus.
Alors certes, ça s’explique par la nécessité de garder le contrôle sur la supercherie.


Par exemple, j’imagine mal qu’on ne prévienne pas dans l’instant les gens qui sont à l’hôpital qu’en fait il n’y avait pas d’évadé parmi eux. De même que j’ai du mal à imaginer qu’on n’ait pas prévenu dans la foulée le garde barrière que tout ça était convenu à l’avance. Même chose pour la femme qui surprend Damiens en train de faire fumer son petit. Si l’équipe ne veut pas se retrouver tous les jours avec la police sur le dos, cette mécanique me semble juste indispensable. Ceci expliquant certainement donc cela.


Seulement, de cette contrainte résulte une réalité qui se projette à l’écran : c’est que chaque séquence se retrouve isolée de la précédente, créant ainsi un effet de hachis qui ennuie vite.
Certes l’histoire essaye de donner du liant à tout ça, mais puisque les personnages involontaires ne suivent pas, ce liant est au final trop sommaire pour jouer son rôle.


Et le pire, c’est que ce procédé en vient à se piéger lui-même en déclenchant un effet inattendu et indésirable. Je parlais notamment tout à l’heure de la nécessaire révélation de la supercherie pour les acteurs involontaires du film. Eh bien je pense que cette révélation au fond n’est pas utile que pour les acteurs, mais elle l’est aussi pour les spectateurs.
Parce que si les frasques de « François l’embrouille » me faisaient autant me marrer, c’était aussi parce qu’elles savaient désamorcer très rapidement les tensions qu’on voyait apparaitre à l’écran.
Là, comme il faut faire avancer l’intrigue et maintenir l’illusion jusqu’au bout, les désamorçages ne sont pas montrés.
Ainsi la tension est maintenue de séquences en séquences, ce qui n’est pas forcément évident à gérer quand on voit que l’essentiel de la situation comique repose sur le faire de mettre mal à l’aise des gens, notamment parfois à se comportant de manière odieuse à leur égard.
Or, cet élément qu’est la tension non évacuée, je pense que ce fut clairement pour moi la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.


Répétitions, usure, histoire inexistante, ennui et maintenant tensions mal désamorcées : clairement ça en a fait beaucoup trop pour moi.
Et donc oui, j’ai progressivement décroché.
Pourtant ça ne retire rien au fait que je reconnaisse à François Damiens un véritable talent pour gérer des situations d’improvisation assez incroyables.
De même que je reconnais un vrai travail pour mettre en place ce dispositif de caméras cachées très complexe, tout comme je suis assez admiratif de ces moments magiques qu’il a su générer sans le vouloir...


comme ce moment où il faut qu’il tombe sur un vrai ex-tolard alors que lui, Damiens, est en pleine fausse cavale. Impossible à prévoir, donc oui c’est magique, et tout ce qui est magique au cinéma est forcément précieux.


Seulement voilà, au risque de vouloir enfoncer le clou, au final ne reste que le verdict du cœur.
Moi, j’ai clairement souffert face à ce film.
Je me suis ennuyé.
Puis j’ai commencé à être gêné.
Et enfin je me suis mis à égrainer les minutes, fuyant le film du regard et de l’esprit.


Désolé, mais ça, pour moi, ce n’est vraiment pas les symptômes d’un film que je peux défendre.
Alors après j’entends que d’autres spectateurs animés d’autres sensibilités puissent s’y retrouver dans ce « Mon Ket ».
Mais pour moi, personnellement, « Mon Ket », c’est niet.

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le 31 mai 2018

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