Critique originale sur le MagduCiné


Les doutes qui planent, les visages qui se cherchent et les regards qui vaguent, le cinéma sait parfois mieux suggérer que montrer. Dans Mon Meilleur ami, que ce soit la construction du film ou les acteurs eux mêmes, il en ressort de très belles scènes lorsque l’ambiance flotte sur les deux protagonistes alors que lorsqu’elles sont plus frontales, le film perd en intensité. Retour sur le premier film de Martin Deus.


Mon meilleur ami est un film à l’image de son personnage principal, discret, introverti, il dit les choses sans trop oser les imposer. Pour son premier long métrage en solitaire, Martin Deus fait souffrir son oeuvre des faiblesses d’une direction d’acteurs trop légère. En matière d’émotion, le jeu des deux jeunes acteurs est trop novice pour totalement toucher. On croit peu aux moments de tensions et de ruptures entre les deux ados, qui n’apparaissent pas graduellement mais subitement et sonnent alors assez faux. Pourtant, ils restent tous deux très naturels dans leur relation, leurs mouvements et leur manière de faire vivre les personnages notamment à travers la relation avec la mère. On découvre parfois un Angelo Mutti Spinetta qui rappelle Timothée Chalamet dans Call Me By Your Name, et pour cause, c’est avec une grande innocence qu’il s’approprie son personnage et qui plus est, le thème du film ramène à certains sujets très liés à celui de Guadagnino, dont on n’en saura pas vraiment plus durant toute la projection. L’adolescence, thème souvent traité par le cinéaste précédemment, est agréablement bien mise en valeur dans ses questionnements, ses zones floues et ses rencontres parfois incertaines, malgré un ensemble trop en surface qui ne permet pas totalement de saisir le sujet à pleine main.


La caméra, elle, s’en saisit dignement et avec un très bel œil qu’il est important de souligner. Si dans ses collaborations antérieures, le réalisateur argentin s’attardait plutôt sur le jeu et son comparse sur l’aspect technique, il a très bien su ici rattraper ses quelques failles et poser un regard délicat sur ses personnages. La caméra saisit les premiers rapprochements physiques, un doigt qui effleure une ecchymose, une main qui saisit l’autre, et offre des plans d’une grande tendresse qui prouvent bien que parfois des gestes suffisent à offrir l’émotion au cinéma. Lorsque le jeu ou le ton n’est pas toujours juste alors ce que disent les corps et les images valent mieux que toutes les phrases. Dans les moments loin de l’inimité et de la relation de nos deux ados, le réalisateur parvient encore une fois à offrir de jolies émotions à travers une lumière choisie avec précision et des plans sur la Patagonie, que l’on aurait pu espérer meilleurs cependant. L’image a le côté assez lisse des teen movie à l’américaine et enlève un peu de chaleur et de grain à l’histoire qui se déroule sous nos yeux mais reste pour le moins remplie de tendresse et de douceur.


Trouver l’équilibre entre un ado qui a besoin de règles et celui qui a besoin de folie offre de beaux moments de connexion, souvent suggérée, très peu dite, mais où les regards et l’amour qui se dégagent des deux êtres sont captivants. Comme si à chaque regard échangé, les mots fusaient sans qu’ils aient besoin de se les dire, et ces moments suspendus sont de vrais instants délicieux qu’il faut chérir au cinéma. Cette romance avortée ne laissera que des souvenirs forts à ses protagonistes et au public, qui pourra s’exprimer déçu de n’avoir eu qu’une fin de téléfilm où la chanson triste pose le ton lorsque Lorenzo est aperçu seul, avec le fantôme de Caito flottant dans un coin de son esprit.

gwennaelle_m
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le 25 mars 2019

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