Une fille seule
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le 18 août 2024
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Mon Parfait Inconnu de Johanna Pyykkö propose un film surprenant et troublant aux multiples twists, une œuvre profondément originale tant dans son scénario que dans sa mise en scène.
C’est avec Ebba une jeune norvégienne d’à peine 18 ans, tantôt ingrate, tantôt séduisante, faisant le ménage près du port d’Oslo que s’ouvre cet objet insolite, premier long-métrage de la réalisatrice finno-suédoise.
Des les premières images, transparaît dans le visage très mouvant de l’actrice (passionnante Camilla Godø krohn) le nerf scénaristique du film, sa dynamique narrative: la solitude folle, la recherche d’amour et la labilité de son personnage. En effet, c’est la grande qualité de Mon parfait inconnu, le film donne sans cesse l’impression qu’il s’invente avec les instabilités, les décisions aléatoires et les délires de son personnage. Cette façon de faire( réminiscences de Toni Erdmann de Maren Ade) crée pour le spectateur un vertige de plus en plus prenant au fur et à mesure de l’intrigue. Il y a cette idée que la réalisatrice se laisse complètement happer par les dérives de son personnage, qu'elle la laisse mener le jeu, l'installer même en zone franche, inconfortable et que tout à coup le film pourrait prendre et prend une direction imprévue comme si l'écriture du scénario loin d'être figée se vivait selon les sauts et humeurs d'Ebba.
Ebba donc recueille un homme blessé à la tête près du port d’Oslo, voyant très vite qu’il ne se souvient de rien, elle décide de se faire passer pour sa petite amie et de lui construire la fiction d’une vie à deux.
Johanna Pyykkö offre alors toutes en subtilités et pistes inattendues une riche et complexe réflexion sur ce que la violente solitude et le besoin d’amour peuvent générer. Manifestement son personnage Ebba n’est pas folle mais victime d’un sentiment d’exclusion ou d’inappartenance, exilée dans son propre pays, déclassée. En prenant soin de cet homme amnésique, en décidant d’en faire son amoureux, elle choisit de vivre avec sincérité, désir et curiosité ce qu’elle crée de toute pièce: le roman de ses amours. Et nous sommes témoins de cette création hasardeuse autant que l’est son nouvel amoureux.
La force du film est alors de suivre Ebba sans jugement sans surplomb dans la construction chaotique et totalement déroutante de sa propre mystification.
On la voit convaincre malaisément puis de plus en plus fermement cet homme amnésique, qu’elle renomme et à qui elle insuffle tous les rudiments de leur pseudo histoire d’amour. On voit l’hébétude de cet homme qui certes a le souvenir de comment fonctionne le monde mais sans se souvenir de « son moi » dans ce monde( très juste scène avec le médecin bulgare en ligne), on voit sa difficulté à s’approprier ce récit d’un amour tout entier fruit des mensonges vrais d’Ebba. Puis on le voit subtilement se laisser apprivoiser par ce qui lui arrive. Par cette énigme. Déjà cela suffit à transformer Mon Parfait Inconnu du drame social qu’il aurait pu seulement être en un thriller psychologique à la tension permanente et à la narration toujours étonnante.
Et c’est cela qui nous trouble : la force véridique de la croyance de cette jeune femme à sa duperie, la vérité de son mensonge et l’ambivalence du spectateur face à l’avancée du récit.
À partir de là, le film déroule les bifurcations insoupçonnées et soudaines auxquelles la mythomanie de l’héroïne peut conduire. Les parti-pris sont risqués et tenus: nous sommes tellement plongés dans la quête identitaire d'Ebba qui cherche les traces du passé de son amoureux que nous comprenons qu’elle l’a sans doute sauvé d’une vie beaucoup plus indigne que ses propres mensonges.
Mon Parfait Inconnu tout à la fois maîtrisé et étonnant s’augmente d’un vrai thriller inventif, chevillé à l’imaginaire borderline de son personnage, entraînant l’amant sur son rivage vénéneux et pur.
Par une mise en scène ouverte et aventureuse, n’hésitant pas à basculer dans l’incertitude onirique( par décrochages temporels-incises sensorielles) pour revenir plonger dans l’audace de ses propres choix ambigus (voir la scène avec la voisine), Johanna Pyykkö s’inspire de la causticité de son compatriote Kristoffer Bogli et du très impressionnant Sick of Myself. Preuve s’il en est que le cinéma norvégien se renouvelle avec sophistication et singularité, brio et culot.
Pour lire autrement, c'est par ici https://www.lemagducine.fr/cinema/critiques-films/mon-parfait-inconnu-film-johanna-pyykko-avis-10070233
Créée
le 3 août 2024
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