Ça relevait presque du masochisme que d’aller voir Mon roi, le nouveau film de Maïwenn, quand on n’est pas spécialement fan de madame (Le bal des actrices), voire pas du tout (Polisse). Et puis tous les signaux étaient au rouge, au très rouge, au vermillon : bouderies et quolibets à Cannes, un Vincent Cassel cabotin et insupportable, une Emmanuelle Bercot tête à claques qu’on récompense d’un prix d’interprétation, une histoire d’amour qui finit mal (en général) et déjà vue des milliards de fois… Tout ça augurait du pire, au moins de la belle débandade propice à une critique rageuse. On ne va pas parler de bonne surprise parce que faut pas pousser non plus, mais disons qu’il y a à boire et à manger et à vomir dans Mon roi.
De toute façon, Maïwenn n’a jamais vraiment fait dans la subtilité, et Mon roi est tout sauf vraiment subtil. L’histoire d’amour entre Tony et Giorgio déroule sans surprises le parcours classique de la relation toxico-auto-destructrice (on se plaît, on baise, on s’aime, on se marie, on s’engueule, on baise, on s’aime plus, on s’aime à nouveau, on s’engueule, on baise, on se sépare, on s’aime encore…), plombée par une intrigue parallèle à coup de rééducation du genoux, métaphore balourde de la reconstruction intérieure de Tony située dans un centre de soins où errent quelques jeunes de banlieues, fièrement réduits à des bouffons trop sympas.
Davantage épidermique que réellement hystérique (le mot revient partout, trompeur, enflé, alors qu’on est loin d’un Zulawski bon cru, et Bercot d’une Adjani folle à lier), Mon roi déboule. Les émotions sont cash, animales : on n’est pas là pour s’aimer en se prenant la tête (voir le récent et sinistre 3 cœurs), mais en se la cognant. On est dans le direct, dans le primaire, le surligné. Dans les cris et les larmes et la morve, qui coulent. Les caresses et les rires, aussi. Un parti-pris comme un autre que beaucoup rejettent, regrettant le manque de consistance, d’intime et de finesse psychologique du scénario, sans admettre qu’on n’est pas chez Lamartine ou Marivaux. Ici on est sur un ring, dans un schéma vicié (coq manipulateur vs dinde bonne pâte). On compte les coups et les points au lieu de souffrir en rimes et en silence, tout en douceur.
Le truc qui fait passer la pilule, qui transcende la mise en scène atone, qui ravive les dialogues faiblards, c’est Bercot et Cassel. Le vrai enjeu du film, ce serait eux. C’est les voir jouer, les voir s’emparer de leur rôle et de cette histoire rebattue pour la rendre passionnante, concrète. Ils sont princiers, ils sont royaux, ils sont agaçants, ils sont à fond. Ils sont hypnotiques. Cassel parfait en séducteur roublard et pervers (du Cassel quoi) qu’on voit arriver à des kilomètres, et Bercot bouleversante en avocate un peu relou, un peu chiante, banale et touchante sous l’emprise d’un connard narcissique dont elle ne peut se défaire, sans cesse humiliée puis adorée, rabaissée puis vénérée. L’amour c’est ça aussi, c’est être sous le joug, ne pas s’en sortir, morfler. Pour le côté rose bonbon et prince charmant, s’en tenir plutôt à la rom com ou Harlequin.
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