Parenthèse.

« Il y a très longtemps j'ai reçu une lettre écrite de la main, maladroite, de Mei et Satsuki m'invitant à se joindre à elles pour leur déménagement. Après avoir longtemps hésité, j'ai accepté l'invitation. Bien sûr, j'avais quelques doutes, mais connaissant leur Géniteur spirituel, un refus aurait été absurde de ma part.

Je crois que nous sommes partis de Tôkyô, ce n'était pas très clair. En supposant que nous avions déjà quelques heures de route derrière nous, j'ouvrais les yeux à bord d'un vieux tricycle utilitaire qui faisait un bruit d'engin à vapeur, presque. Leur père, Tatsuo, conduisait tranquillement le véhicule qui transportait, sans broncher, l'inventaire d'une vie. À l'arrière, Satsuki, Mei et moi découvrions les paysages enchanteurs des arrière-pays japonais. Les collines verdoyantes défilaient devant nos petits yeux, le vent chatouillait la cime des arbres. On traversait ponts et rivières avec émerveillement. C'était bien. Parfois, Tasuo se retournait pour jeter un œil bien veillant aux trois petits êtres bringuebalés parmi les meubles.

Dès le début, je le savais, le Géniteur avait fait un excellent travail.

Lorsqu'on arriva à la nouvelle maison, Mei et Satsuki se mirent à courir partout en hurlant. L'endroit était ravissant et calme, mais ce silence était perturbé par les cris hystériques et stridents des deux petites filles. C'est quelque chose qui m'a assez rebuté au départ, je devrais même dire que cela aurait pu gâcher mon périple ; heureusement, elles se sont calmé. Alors, nous avons exploré la bicoque. Je suis un pur novice en la matière, mais les quelques endroits de l'habitation à travers lesquelles les filles me guidaient me semblaient former un très joli pot-pourri de culture japonaise. Il y avait les bains, les fourneaux, le puits et sa pompe, les tatamis, et quelques portes que l'on peinait à ouvrir. Je découvrais les lieux pour la première fois et pourtant j'étais envahi par un immense sentiment de nostalgie, comme si tout ça m'avait manqué depuis toujours.

Non loin de la maison, il y avait un gigantesque camphrier entouré par une épaisse forêt ; un temps érigé par la Nature. Le Géniteur avait bien fait les choses.

Lorsque le déménagement prit fin, j'étais resté. Il n'y avait rien d'autre à faire que de rester. Quitter l'endroit aurait été criminel de ma part ; les petites s'amusaient, le ménage se faisait, on s'affairait dans les rizières... La vie était paisible et ce devait être ainsi. Un après-midi, le séjour pris un tournant très étrange lorsque je suivis Mei à travers un tunnel de verdure ; nous avions vu une créature très étrange s'y engouffrer. Le passage était fait pour une personne de petite taille mais je suivais sans soucis. La petite me mena au pied du grand camphrier. De loin il imposait, déjà, le respect, à son contact nous étions humbles. Mei, attirée par la curiosité, tomba dans un trou entre deux racines, m'emmenant avec elle. On atterrit sur une surface molle et poilue. C'était en fait une créature, très étrange, gigantesque et ronde, aux oreilles pointues. La question « Tanuki ? » résonna immédiatement dans ma tête. La petite, elle, le reconnut immédiatement ; elle cria « Totoro ! ». Totoro était débonnaire, malgré sa taille. Satsuki et Mei étaient les seules à le voir parce que, je crois, elles étaient enfant. Sans être sûr de savoir pourquoi, je pouvais le voir également. J'étais redevenu un enfant.

Par la suite, les bizarreries se multiplièrent. Quelques événements surréalistes survinrent, très étranges. Nous vîmes toutes sortes de créatures. Je ne vous en dirai pas plus, car je pense que vous voudriez découvrir ces endroits par vous-même. Il le faut.

Merci Satsuki. Merci Mei. Merci Totoro. Merci Géniteur. »