Jeremy Taylor,un scientifique,est en mission d'exploration dans une zone sauvage en compagnie de sa femme et de sa gamine quand la famille est attaquée par une bande de cannibales.Si maman est bouffée toute crue par les fins gourmets,papa parvient à se barrer avec un bras en moins et fifille est épargnée par les morfales qui voient en elle leur déesse.Dix ans plus tard,Jerry monte une expédition au même endroit afin de récupérer sa progéniture.Ce film ne pouvait être qu'un désastre pour trois raisons évidentes:c'est un Cannibal Movie,c'est une prod Eurociné et c'est réalisé par Jess Franco.La firme Eurociné,qui a sévi de la fin des fifties à la fin des eighties,est réputée à juste titre pour avoir été la maison de production européenne la plus acrobatique de l'Histoire de la série Z,ce qui n'est pas un mince exploit.Usinant à tour de bras des pelloches nulles exploitant tous les genres du ciné populaire,du polar à l'horreur en passant par l'aventure,l'action et l'érotisme,la flamboyante boîte des Lesoeur père et fils ne pouvait que s'entendre avec le sieur Jesus Franco Manera,ringard espagnol qui a écumé durant des décennies les plateaux européens pour y tourner des flopées d'oeuvres généralement d'une qualité pour le moins douteuse,même si certaines de ses bobines sont à peu près regardables,ce qui est loin d'être le cas ici.Quant au genre Cannibal Movie,très à la page durant les années 70-80,il a essentiellement fourni des navets comme ce "Mondo Cannibale" qui tente piteusement de surfer sur la vague alors porteuse initiée par Ruggero Deodato avec "Le dernier monde cannibale" et surtout le célèbre "Cannibal Holocaust".Il s'agit donc de se faire un peu de fric en s'immisçant dans ce mouvement en mettant en pratique la devise intangible d'Eurociné:"on n'a pas d'argent,pas d'idées et pas de talent,pourquoi ne pas fabriquer des films?".On pourrait le voir comme un nanar rigolo mais même pas,c'est trop ennuyeux pour ça.Rien ne fonctionne dans ce méli-mélo placé sous le signe de l'amateurisme,de la désinvolture et du culte de l'approximation.On a travaillé en famille et on a doublé des postes pour optimiser la surface financière de l'affaire.Ainsi Franco réalise,tient un petit rôle et a coécrit le scénario avec Daniel Lesoeur,également producteur de la chose.Par ailleurs un improbable Carlos Franco,peut-être un parent de Jess, est crédité en tant que directeur artistique.Ouais,il y a un directeur artistique,aussi étrange que ça puisse paraître.Au vu du résultat on se demande à quoi il a bien pu servir mais il ne faut pas trop chercher.Dans le même ordre d'idée on a la scripte Ilona Kunesova,épouse de Lesoeur,lequel a également casé sa fille Anouchka en tant qu'actrice,tandis qu'Olivier Mathot,un pilier d'Eurociné,est à la fois comédien et assistant-réalisateur.Techniquement,c'est la déroute totale.Franco filme à l'arrache sans se préoccuper de rendre ses plans présentables,le directeur photo mériterait d'être pendu pour avoir osé afficher une image aussi dégueu,le montage est schizophrénique , la musique d'ascenseur,en dépit de louables efforts pour s'adapter à l'ambiance des scènes,fait carrément pitié et les décors clairsemés peinent à ressembler à une jungle décente.Quant aux effets spéciaux,euh de quels effets parlons-nous?On vous l'a pourtant dit qu'on n'a pas de fric!Du coup le père Jesus,qui s'est essayé à tous les sous-genres horrifiques,savants fous,vampires,psychopathes,zombies et donc cannibales,a décidé de noyer le poisson en limitant le nombre de scènes de dégustation gastronomique et en les traitant de manière psychédélique,une mode pourtant enterrée depuis longtemps en 80.Les séquences chocs voient donc les distingués anthropophages se jeter en vrac sur quelques femmes,manifestement plus goûtues que les hommes,afin de les dévorer vivantes.Sur fond de cris féminins bien légitimes les plans s'entrechoquent de manière saccadée pendant que l'image devient brutalement noire alors qu'on est en plein jour.Autant dire qu'on n'y voit que pouic,sauf quand des flashes intempestifs éclairent de temps à autre les débats,ce qui permet de vaguement apercevoir des visages de sauvages arrachant avec leurs dents des morceaux de barbaque chinés en solde à la boucherie du coin et de furtifs nichons des victimes,ce qui fait toujours plaisir,au fil de scènes de meublage interminables .Pour ce qui est du bras coupé du héros c'est aussi la franche rigolade,le cinéaste s'ingéniant à ne pas cadrer le personnage du côté amputé,à le laisser dans l'obscurité ou à dissimuler le membre replié sous un épais bandage,ce qui ne donne nullement le change et produit un effet ridicule.Question figuration ce n'est pas non plus franchement concluant,avec une famélique équipe de cannibales beaucoup trop blancs affublés de maquillages de clowns.Les gars,car ça manque cruellement de femelles par chez eux,se livrent à des pantomimes du plus haut comique,sautant sur place en cadence tout en braillant un esperanto guttural.Mais le pire est naturellement cet ersatz de scénario visiblement torché en une demie-heure un soir de biture et délibérément porté sur le flou le plus complet.Les auteurs ont soigneusement évité tout ce qui pourrait s'approcher de la précision et débitent des conneries à jet continu.Taylor vient se balader tranquillou dans une région exotique dangereuse avec sa femme et sa fille sans la moindre escorte.Les agresseurs bouffent sa nana puis lui coupent un bras avant de le laisser sans surveillance.Le mec arrive à se barrer malgré la légère hémorragie consécutive à cette ablation et il est récupéré par des civilisés habitant apparemment tout près,sans le savoir, de la tribu des mangeurs d'hommes.On ne saura jamais où ça se passe exactement ni ce que Jerry venait foutre au juste en cet endroit mal famé.Pendant ce temps le sorcier de service invente sans raison logique que la fille Taylor,évanouie dans l'eau,est la déesse tant attendue par la tribu.Des années plus tard le papa s'est remis de ses émotions et veut récupérer Lena qui,miracle de la Franco-folie,est passée d'Anouchka,pré-ado ingrate à la chevelure châtain,à Sabrina Siani,mince blonde canon aux seins minuscules.Les commanditaires habituels de l'explorateur lui rient au nez et refusent tout net de banquer pour un nouveau trip de la tripe,avant de changer d'avis sans aucun motif valable et de décider d'accompagner eux-mêmes leur poulain,sur le mode "génial,on va se faire un safari d'enfer et peut-être finir bouffés par des cannibales,c'est trop de la balle!".En plus le cortège n'est composé que d'une pauvre dizaine de personnes,dont au moins la moitié sont des femmes,ce qui sent un peu le suicide.Ils découvrent en route une propriété visitée auparavant par les sauvages,qui ont bizarrement foutu le feu à la casbah et laissé un type attaché à un arbre sans le consommer.Dépassement de péremption peut-être?Bref les braves gens se font massacrer un par un,jusqu'à un final grandiose qui verra papa Taylor s'échapper encore d'un camp indigène pas gardé et se friter in fine avec le jeune chef trois étoiles qui est entre-temps devenu en quelque sorte son gendre.La distribution est à l'avenant du reste et aligne un aréopage de tocards abonnés à ce genre de productions.Le barbu Al Cliver et la blondinette Sabrina Siani,gloires du bis italien,tiennent les premiers rôles et sont entourés d'un casting cosmopolite pas arrangé par la post-synchro d'un autre monde.Sont présents l'américaine Shirley Knight,qui a connu des jours meilleurs,les français Olivier Mathot,Pamela Stanford,Anouchka et Jérôme Foulon,futur réalisateur de second rayon,plus les espagnols Antonio Mayans et Lina Romay,la bonne amie de Jess.Critiques et notes de films de Jess Franco publiées précédemment:"Eugénie"-5,"Une vierge chez les morts-vivants"-5.Moyenne:3,6.