Money Monster a tout du sympathique thriller du Dimanche soir, avec la plus-value du cynisme et de l'actualité. Une émission bien débilitante de faux journalisme économique est interrompue par un individu armé qui prend en otage le présentateur vedette et réclame une diffusion continue en live de ses actions. S'ensuit une longue phase de négociation en huis-clos face à un homme qui veut faire éclater sa rancœur d'avoir tout perdu en suivant les conseils boursiers de l'émission.


C'est donc un film de prise d'otage, au déroulement classique mais bien mené. Son discours sur la bourse enfonce des portes ouvertes, mais il me paraît toujours nécessaire. Il évite d'ailleurs un peu (je dis bien "un peu") le piège du manichéisme en rappelant qu'il n'y a pas qu'un seul coupable, mettant le nez de tout le monde dans leur immaturité ou leur hypocrisie. L'empathie est bien ce que les personnages ont le plus de mal à trouver, cela ne concerne pas que les "riches". Il y a beaucoup d'humour grinçant pour dénoncer cette télévision poubelle qui habitue des spectateurs un peu beaufs à se faire une image faussée de la finance, et surtout les conforte dans leur moquerie grasse. De nombreuses critiques rappellent qu'il y a déjà eu Network de Lumet qui traitait mieux le thème de l'influence des médias, comme je ne l'ai pas vu cela joue forcément sur mon appréciation de ce film là. Néanmoins j'ai quand même beaucoup apprécié cette manière de la présenter. J'ai aussi aimé le parallèle qui est fait avec les jeux : le déroulement du huis-clos s'apparente à un jeu télévisé (avis du public, tableau de score, appel à un ami) tandis que les spectateurs sont souvent en train de jouer ou de blaguer sur le show qu'ils voient. Comme si plus personne n'était capable de considérer ce qui se passe sur un écran autrement que comme un divertissement, même en sachant que tout est réel. Parce que ce monde est devenu tellement incompréhensible même pour les experts qu'il vaut mieux le simplifier pour flatter les pigeons et les beaufs.


La partie thriller est honnête, sans être renversante. Sa qualité est surtout d'être bien rythmée, la réalisation sobre mais énergique nous maintient en éveil. Le film est aidé par les performances de George Clooney l'éternel, Julia Roberts en retrait et surtout Jack O'Connel l'énervé, toujours sur le fil du rasoir. Il y a de nombreux lieux communs que l'on redoute, et si certains répondent bien présents avec en plus un twist qui ne surprendra personne, d'autres sont ingénieusement esquivés. J'ai ajouté 1 point au film pour une scène qui m'a pris par surprise et qui m'a particulièrement touché. Le scénario évite le piège de l'accumulation de péripéties sans incidences sur le récit, ici chaque événement contribue au propos du film et sert à amener progressivement au finale. Un finale bien naïf et peu surprenant, mais dont j'ai apprécié une touche d'ironie lors d'une action mal interprétée.


Money Monster ne révolutionne rien mais tient en haleine. Sa critique acide pourra paraître sage étant donné les personnes visées, elle ne nous apprendra rien de nouveau mais elle fait un peu de bien. Jodie Foster dose bien son humour sans court circuiter le film et rend le visionnage tout à fait confortable. Un divertissement qui dénonce certaines formes de divertissement constituera toujours un paradoxe, mais c'est toujours plaisant à avoir quand c'est bien fait.

thetchaff
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2016

Créée

le 17 mai 2016

Critique lue 285 fois

2 commentaires

thetchaff

Écrit par

Critique lue 285 fois

2

D'autres avis sur Money Monster

Money Monster
Moizi
4

Sony tente de s'acheter une morale

Alors que je rentrais du cinéma, France Culture diffusait une émission sur les cahiers du cinéma et leur dérive (sic) gauchiste des années 60/70. Ils s'en prenaient, à l'époque, aux fictions de...

le 22 mai 2016

35 j'aime

12

Money Monster
Kiwi-
6

Mad City.

Après « Margin Call » ou encore « Le Loup de Wall Street », le cinéma hollywoodien se penche de nouveau sur les dérives de l'hypercapitalisme avec « Money Monster », portrait sardonique de la finance...

le 14 mai 2016

33 j'aime

7

Money Monster
Behind_the_Mask
7

Breaking News

˗ Suite de notre journal BFM après l'ouverture, hier, du soixante-neuvième festival de Cannes et de ses festivités soporifiq... Euh, magnifiques, et c'est Jodie Foster qui a présenté, hors...

le 14 mai 2016

25 j'aime

3

Du même critique

Seven Sisters
thetchaff
5

On aurait dû faire un calendrier à 5 jours

Des mini-divulgâcheurs se sont glissés dans cette critique en se faisant passer pour des lignes normales. Mais ils sont petits, les plus tolérants pourront les supporter. Seven Sisters est l'exemple...

le 2 sept. 2017

95 j'aime

9

Matrix Resurrections
thetchaff
6

Méta rixe

Cette critique s'adresse à ceux qui ont vu le film, elle est tellement remplie de spoilers que même Neo ne pourrait pas les esquiver.On nous prévenait : le prochain Matrix ne devrait pas être pris...

le 27 déc. 2021

73 j'aime

3

Zack Snyder's Justice League
thetchaff
6

The Darkseid of the Moon

Vous qui avez suivi peut-être malgré vous le feuilleton du Snyder Cut, vous n'avez sans doute pas besoin que l'on vous rappelle le contexte mais impossible de ne pas en toucher deux mots. Une telle...

le 19 mars 2021

63 j'aime

4