Les longues soirées de confinement amènent parfois à des confrontations culturelles assez, disons-le, délicates. Ce n’est pas forcément un mal, cela dit. Il y a du bon parfois à comprendre un peu mieux les références de tout un chacun sous fond de conflit générationnel, de sorte à s’extraire d’une vision d'un cinéma parfois un peu trop grand, souvent trop grandiloquent. Et lors de cette énième soirée de confinement, Monsieur Batignole fut, on peut le dire, une occasion toute trouvée.
Le cadre étant brièvement posé, attaquons la bête. Non, Monsieur Batignole, pour l’éternel pseudo snobe que j’incarne, du haut de ma maigre connaissance cinématographique, n’est pas ce que je qualifierais de “grand” film. Au sens où ce n’est pas un film qui possède un caractère particulièrement disruptif. C’est une comédie légère, avec des acteurs qui jouent pour la plupart juste assez bien pour ne pas que cela fasse trop tâche, et juste assez mal pour ne pas qu’on parvienne à les prendre véritablement au sérieux. Une comédie qui possède une trame dont on devine le déroulement très, voire peut-être même trop rapidement; avec son lot de passages et retournements de situations qui vont être nécessaires pour assaisonner un minimum la tambouille, sans pour autant réussir à nous donner un quelconque espoir sur les effets qu’auront cette dernière sur nos papilles gustatives. Est-ce un drame pour autant ? Non, justement, c’est une comédie. Une comédie qui cohabite avec un fond dramatique, sans pour autant réussir à totalement l’assumer. Parce que oui, la collaboration, les rafles, et tout ce que ça implique comme déshumanisation, ce n’est pas forcément le sujet le plus joyeux qui soit. Donc y glisser des calembours et autres situations potaches, régulièrement à la limite du burlesque, même si c’est un pari tout à fait recevable, ça ne lui retire en rien son côté un brin perturbant, voire même, malheureusement ici, carrément dissonant.
Parce que assassiner son gendre de sang froid; même quand on a pas le choix et que c’est le dernier des saints (prêt à égorger son beau père pour la mère germanie, c’est dire !), et qui plus est sous le nez de toute une marmaille, ça laisse a minima des séquelles, et à maxima des représailles. Et certainement pas de celles qui consistent simplement à avoir une femme apeurée, et des envahisseurs énervés. Envahisseurs qui par ailleurs ne sont ni particulièrement menaçants, ni particulièrement perspicaces. Toujours prêts à fouiller quand le doute s’empare d’eux, mais jamais prêts à trouver quand la vérité se trouve sous leurs yeux. En même temps, il faut dire que les coups du sort de dernière minute couplés aux juteux pots de vins ne sont pas là pour les y aider.
Arrivé à ce point précis du texte, je pense qu’il m’est assez inutile de préciser que le visionnage du film s’est très vite soldé sur une discussion quelque peu, disons, mouvementée. Cependant, ma critique, au début très acerbe, s’est à ma grande surprise progressivement atténuée à mesure que je la déroulais.
Car parler de Monsieur Batignole sans brièvement s’arrêter sur Monsieur Batignole, ce serait tout de même un peu réducteur.
Oui, en toute honnêteté, j’ai trouvé Jugnot attachant. Au-delà de sa bonhomie naturelle, qui a toujours su m’arracher un petit sourire complice, j’ai trouvé que le rôle du boucher passeur, sorte de râleur au grand cœur, lui allait comme un gant. Un boucher certes très candide, pas forcément très complexe, mais néanmoins une forme de héros attachant, qu’on a envie de voir réussir. Et ce point bien précis, même si ça ne sauve pas un film, ça permet au moins de relativiser la soirée qu’on vient de passer, et se dire que, oui, parfois l’ouverture d’esprit, surtout en famille, c’est pas si mal.