Ma découverte de la carrière de Willy Rozier se poursuit, réalisateur à la fois grand public mais aussi à la marge des grands circuits, cinéaste mais aussi sportif et aventurier, ce qui se retrouvera parfois dans ses films. Il est difficile de trouver des informations, il faut chercher un peu, démontrant que les grandes pages du cinéma s’écrivent avec toujours les mêmes au sommaire.


Pour autant, à la vue du troisième métrage de sa part, après le fade Les Anges noirs et le sportif et bon vivant Champions de France, très sympathique, je ne pourrais pas lui offrir une meilleure reconnaissance avec ce film. Willy Rozier semble un artisan habile, plus qu’un cinéaste innovant, même si d’autres films de sa filmographie pourraient me démontrer le contraire, tels L’Epave et ses scènes sous l’eau, ou d’autres tournages en décors naturels, ce qui ne se faisait guère alors à l’époque.


Pour Monsieur Chasse, Willy Rozier ne fait guère de passages en extérieur et pour cause, le film adapte une des célèbres pièces de Georges Feydeau, crée en 1892. Les scènes se feront donc à l’intérieur de plusieurs pièces, avec un certain nombre de comédiens, dont la majorité nous est présentée dès les premiers instants.


La peinture de la société bourgeoise se fait sous le vernis amusée de la fidélité, toute relative de ses personnages. Léontine est une jeune épouse, mariée à Duchotel, et le docteur Moricet est leur grand ami. Mais ce dernier est obsédé par Léontine, qui se refuse à lui avec amusement jusqu’à ce qu’elle découvre que son mari, qui prétexte régulièrement aller à la chasse, va en fait voir sa maîtresse. Sa maîtresse qui n’est autre que la femme d’un autre de ses amis, qui désire le divorce en la prenant sur le fait, sous l’œil juridique, comme cela se faisait à l’époque.


Monsieur Chasse est donc un pur vaudeville, ces pièces légères telles que Georges Feydeau les a forgées à son époque : des comédies de mœurs où le principal prétexte est l’infidélité, cachée et dévoilée entre les portes qui claquent. Tout ceci est bien au programme de cette adaptation, qui élève le vaudeville en sac de nœuds où tout le monde s’emmêle, la confusion est grande. Nous ne sommes pas loin de la pantalonnade, et pas seulement parce que l’un des points clés du récit sera la recherche d’un pantalon échangé entre deux amants.


Cet humour vaudevillesque semble bien loin de nous, même s’il faut reconnaître au texte des répliques et des échanges vifs et pleins d’esprit, entre allusions discrètes et piques vachardes, où le sérieux de ces grands hommes est parfois bien épinglé. Malheureusement, cet humour de la bonne parole se perd un peu, quand le corps du film tient plus à ses péripéties de couloir ou de salon, à tricoter toujours plus son sac de nœuds. L’humour visuel semble plus absent, c’est dommage, même si le réalisateur filme quelques scènes amusantes, à l’image du mari qui va rejoindre sa maîtresse en tenue de chasse, alors qu’on entend en fonds sonore une musique de chasse, ou de cet échange de chapeaux entre Moricet et l’officiel de police, simple et amusant.


Les acteurs ne seront d’ailleurs pas mauvais, tenant leur rôle avec une certaine force. Frédéric Duvallès en Duchotel est un idiot de façade, maladroit, mais malgré tout manipulateur, le mari bafoué du début change bien vite. Sa femme est jouée par Noëlle Norman, belle et taquine, plus éprouvée quand elle découvre les mensonges de son mari, décidera-t-elle de céder à la volupté promise par le docteur Moricet pour se venger ? Ce dernier n’a pourtant rien d’un bel homme, c’est un docteur mais aussi un petit poète, pas très glorieux, joué par Paul Meurisse, dont c’est l’un des premiers grands rôles. C’est un fat, que Meurisse interprète avec une pédanterie exquise. La bourgeoisie est tournée en ridicule par ces acteurs, pour qui la dissimulation et le mensonge sont des valeurs innées, face à une plus innocente Léontine. Après Les Anges noirs, une adaptation elle aussi, Willy Rozier semble trouver dans la peinture de la médiocrité de la bourgeoisie un sujet fétiche.


Les décors assez rares, mais bien présentés, et un nombre de comédiens assez limité, avec quelques autres qui gravitent autour, rappellent bien l’origine théâtrale de l’œuvre adaptée. Les secrets des chambres peuvent être nombreux, le va et vient entre les pièces est moins étriqué que sur la scène. Willy Rozier déplace ses comédiens, rarement longtemps statiques, pour offrir un peu de dynamisme à l’ensemble. La mise en scène est à la fois classique et parfois plus audacieuse. Si les acteurs sont souvent filmés à la même distance de la caméra, d’autres angles choisis sont plus originaux, tentant même de faire oublier qu’il s’agit d’une pièce ou d’un film, avec des cadrages derrière un meuble, ou dos à des acteurs. Ce n’est pas forcément à chaque fois réussi, mais le travail réalisé ici est intéressant, en tout cas fonctionnel.


Cette découverte des œuvres de Willy Rozier peut se faire grâce à la collection du même nom éditée il y a quelques années par Bach films. L’éditeur aurait tout de même pu faire attention à sa copie. La qualité du film est acceptable. Mais le menu du DVD inclut un vilain bouton « le films » tandis que le film de 1h25 est ici proposé avec trois minutes à sa suite d’artefacts visuels non prévus. C’est très esthétique, très art vidéo contemporain, mais évidemment non voulu. Une relecture aurait pu éviter ce petit travail de sagouin.

SimplySmackkk
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le 20 nov. 2021

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