Des grands burlesques d’antan, beaucoup se rappellent de Charlie Chaplin, Buster Keaton, les Marx Brothers ou encore Laurel et Hardy. Les deux premiers, notamment, ont régné sur le cinéma muet américain des années 20. Complémentaires dans leur styles, géniaux par leur talent, ils n’étaient pour autant pas les seuls, car il y avait bien un troisième homme : Harold Lloyd. De lui, on retient notamment la fameuse photo où il s’accroche aux aiguilles d’une horloge, extraite de Safety Last.


La version restaurée de Criterion, accompagnée de la musique de Carl Davis, nous plonge dès les premières secondes dans cette ambiance enjouée et festive du Los Angeles des Années Folles. Car Safety Last est tout à fait emblématique de cette époque et du cinéma des années 20, à travers son ton, son histoire et son personnage principal. Comme ses collègues, Harold Lloyd incarne ici un loser magnifique, pauvre, victime de multiples quiproquos et cherchant plus que tout à conquérir le cœur d’une jeune femme, qui, dans le cas présent, croit qu’il tient un poste à responsabilités dans un magasin de vêtements.


Charlie Chaplin était Charlot, Buster Keaton était Malec et Frigo, Harold Lloyd est Glasses. Le premier était principalement doué pour créer de la poésie et de la mélancolie, le second pour l’art du gag et la cascade, et le troisième parvient à combiner tous ces aspects. Bien sûr, les rôles d’Harold Lloyd ne doivent pas souffrir d’une perpétuelle comparaison avec ses comparses. Harold Lloyd est un casse-cou attachant, son personnage enchaîne les situations cocasses avec une étonnante fluidité, dans un film qui ne s’arrête jamais, jamais dans la surenchère, et toujours dans l’allégresse.


Personnage haut en couleurs malgré l’absence de ces dernières, éloquent malgré l’absence de son, Harold est attachant, étonnant et surtout, très humain. Dépassé par ses objectifs, il montre aussi, malgré lui, les limites d’un monde qui va trop vite, où l’opulence est un prétexte à la dépense, où les voitures à moteur ont envahi les rues et accélèrent les trajets, où les phénomènes médiatiques prennent de plus en plus d’ampleur de plus en plus vite. C’est le parcours d’un homme qui veut réussir, plein d’espoirs en tête, à une époque où tout semblait encore possible, et où on ne soupçonnait pas encore que, quelques années plus tard, tout allait s’effondrer.


Safety Last est un classique de la comédie burlesque américaine, un film muet typique, certes entré dans la postérité pour une scène en particulier, mais dont l’héritage ne doit pas se limiter à cela. Un divertissement qui n’a pas pris une ride et qui, comme le bon vin, se bonifie avec le temps. On n’en perd pas une goutte, et on en redemande même. Le film idéal pour guérir les petits moments de déprime.

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le 7 avr. 2018

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