Cet Ocean’s Eleven en temps de guerre peine à exploiter son casting prometteur et noie le spectateur sous une avalanche de bons sentiments. Reste son humour potache et une légèreté de ton assez rafraîchissante.

Nous sommes en mars 1943, la Seconde Guerre Mondiale est à l’aube de la libération grâce à la création de la Grande Alliance par les Etats-Unis qui vont peu à peu changer la donne. Les Nazis continuent néanmoins de piller les oeuvres d’art européennes, qu’elles soient issues de musées, de monastères ou des familles juives déportées. Frank Stokes (George Clooney), curateur de musée, convainc ses pairs de l’importance de protéger ce précieux patrimoine et monte une équipe de bras cassés afin de récupérer ces objets avant qu’ils n’ornent les maisons des dignitaires SS ou encore le futur musée du Führer.

L’aspect old school de Monuments Men est immédiatement assumé, et de personnages sympathiques en punchlines efficaces, nous replongeons dans les vieux films de guerre des années 60, le tout arrosé d’un thème musical aussi jovial qu’entêtant. Malgré certains running gags un peu redondants – au bout de trois fois, on a bien compris que Matt Damon ne savait pas parler français – on se prend à rire et à apprécier l’enjeu principal du film, qui n’implique aucun torture émotionnelle malgré la gravité du contexte. Car si les horreurs du conflit, et notamment l’holocauste, sont effleurées, Monuments Men en reste à un niveau très primaire de prise de risque pour tous ses protagonistes.

Mais il existe un revers à ce parti-pris. Effectivement, la multiplicité des personnages principaux et le ton hybride du film sont autant de facteurs qui ne permettent pas de s’attacher aux héros, malgré les performances des acteurs : George Clooney, Matt Damon, Jean Dujardin, Bill Murray, John Goodman… Même lorsque leurs vies sont en danger ou qu’ils sont en proie au doute, à grand renfort de séquences larmoyantes, le résultat tend à laisser de glace, voire à agacer. Ces hommes sans aspérités, trop irréprochables – fidèles à leur patrie, leur épouse et leurs principes – finissent par manquer de crédibilité, et la mention “inspiré de faits réels” ne suffit pas à convaincre. George Clooney s’acharne également à ériger la nation américaine en sauveurs de l’humanité. “My country thanks you”, lâche Jean Dujardin (ils n’ont pas pu s’en empêcher), avant que Clooney ne se targue d’un “we fight for our culture” complètement ridicule si on tient compte du fait que ces oeuvres d’art sont parfois plus anciennes que le gouvernement américain et n’ont absolument rien à voir avec la culture outre-atlantique.

De clichés en clichés, Monuments Men allie discours dégoulinants de patriotisme, anachronismes et ennemis visant comme des tanches (on en rit tant c’est gros), avec un petit taquet à l’ex-URSS au passage – alliés ou non, il ne faudrait pas qu’ils aient le beau rôle dans cette libération, non mais ! Le tout dans un scénario souvent décousu et qui demeure assez plat, sans jamais vraiment réussir à créer de véritable suspense ou de point culminant dans l’action. Il est évident que cette “histoire vraie” a été fortement romancée, donnant lieu à un bon nombre d’invraisemblances (et pourquoi cette fixation sur la cigarette ?). L’art, sujet principal du film, n’est pas toujours assez mis en valeur, au profit de cette “aventure humaine” qui a pourtant ses bons côtés malgré tout.

Monuments Men se veut hommage à ces hommes qui ont contribué à préserver la richesse culturelle de l’Europe en temps de guerre, mais perd parfois de vue son sujet principal. Partagé entre la comédie, l’aventure et le film de guerre, le film offre néanmoins un moment plaisant au spectateur en quête d’une pause humoristique et sans prise de tête.
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le 19 mai 2014

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