Dans ma volonté permanente de découvrir et faire découvrir, je poursuis mon exploration de la filmo d'Ousmane Sembene avec une de ses dernière œuvres: Moolaade, du nom du génie protecteur contre l'excision, sujet central du film. Ici, tout commence dans un petit village de la campagne sénégalaise, avec l'arrivée de quatre petites filles. Celle-ci ont échappé aux exciseuses et viennent chercher refuge chez Collé, une femme connue pour avoir refusé de faire "couper" sa fille. Collé les protège en dressant le Moolaade chez elle, en une frontière immatérielle avec l'extérieur. Dès lors, tout le village s'organise entre le clan des pour l'excision, et le clan des contre. Si la plupart des "pour" sont des hommes, le film ne se résume pas à une lutte manichéenne entre deux camps car on y trouve aussi des femmes (hors-exciseuses) prêchant "pour", et des hommes prêchant "contre".
Par ce prétexte grave mais traité avec pudeur, Sembene dresse plutôt le portrait d'un pays à cheval entre modernité/connaissance et archaïsme/ignorance, toujours cependant avec ce désir de ne pas fixer de séparation franche. Au fur et à mesure, les femmes sont privées de leurs radios chéries, leur donnant accès à un autre monde, et les hommes perdent leurs repères face à leur soit-disant rôle de dominateurs, le mari de Collé le premier, forcé de procéder à une flagellation de son épouse pour lui faire mettre fin au Moolaade. Deux éléments perturbateurs apportent également leur pierre à cet édifice instable: Mercenaire, ancien soldat de l'ONU ayant fui la barbarie des guerres à l'échelle internationale, et Ibrahima, fils de la famille royale du village ayant fait fortune en France.
De cette tragédie, chacun se reconstruira comme il peut, dans l'incertitude.