On pensait la soif de destruction massive de Roland Emmerich calmée, refroidie par l'échec de la suite catastrophique de "Independence Day", canalisée dans des batailles humaines à plus petite échelle avec "Midway" ou même éteinte, le regard du metteur scène allemand peut-être désormais tourné vers des projets plus modestes dans la lignée d'un "Anonymous" ou "Stonewall". Mais, rien n'y fait, celui qui, enfant, devait déjà conduire un bulldozer en ravageant sa cour d'école tout en massacrant des tonnes de jouets enfermé à double tour dans sa chambre fait son grand retour sur le terrain du film catastrophe à dimension planétaire, avec cette fois rien de moins que la Lune comme objet de menace à la survie de l'espèce humaine !
Évidemment, on le sait par avance, aller voir ce genre de blockbuster apocalyptique nécessite d'activer un pare-feu pour protéger ses neurones d'un nombre ahurissant d'idioties scénaristiques et de simplement savourer un spectacle de dévastation sans commune mesure où, il faut bien le reconnaître, le savoir-faire d'Emmerich en la matière n'est plus à prouver. Encore ici, certaines séquences de destruction tout bonnement dantesques de "Moonfall" valent à elles seules le déplacement, notamment dans la deuxième partie du film lors d'une odyssée spatiale réservant des tableaux impressionnants de Lune infernale et de séquences sur une Terre qui subit de plein fouet les conséquences gravitationnelles de notre bon vieux satellite en perdition (on sent réellement l'enthousiasme du grand gamin Emmerich à user de son nouveau jouet de "vagues gravitationnelles").
Mais c'est hélas à peu près tout ce qu'il y a à signaler de remarquable dans "Moonfall", le film se résumant en très grande majorité à un invraisemblable best-of paresseux de la filmographie de son auteur, enfin... on pourrait même parler d'un "worst-of" en l'occurence tant toutes ses pires tares habituelles semblent s'accumuler dans un éternel premier degré qui frise le respect (et les fous rires nerveux).
Si "Independence Day", "Le Jour d'Après" ou encore "2012" vous sont familiers, vous aurez l'impression d'assister à un pot-pourri assez sidérant de situations et de personnages que vous connaissez déjà et dans une version encore plus poussée du ridicule de leurs caricatures. En ce sens, malgré toute la bonne volonté du monde qui nous fait y croire un minimum pendant un bon quart d'heure, la première heure du film apparaît très vite curieusement rushée dans la montée en puissance des événements (heureusement que les personnages mentionnent explicitement les jours qui s'écoulent entre certaines ellipses, l'accélération des premières catastrophes et tentatives de sauvetages tiendrait du non-sens temporel le plus total sans ça) et, paradoxalement, s'éternise jusqu'à provoquer l'ennui le plus confondant tant, hormis les déviations lunaires, le copier-coller le plus négatif du passé Emmerichien ne peut engendrer la moindre implication de notre part, sinon des moqueries (on vous met au défi de ne pas éclater de rire lorsque Halle Berry entame un début de simili-discours patriotique sur fond de violons à la "ID4"), voire une gêne incessante face à des personnages qui donnent unanimement envie d'être pulvérisés à la moindre parole prononcée. Comble du comble, même la tension qui devrait être facilement induite par le climat apocalyptique, où Emmerich a toujours tenu ses promesses, ne prend pour ainsi dire jamais, le cœur du réalisateur ne paraît plus y être, plus ou moins lassé d'en décliner les bases une énième fois.
Comme dit, le spectacle de la seconde moitié de "Moonfall" a au moins le mérite d'essayer de satisfaire en partie visuellement nos envies d'un bon gros blockbuster catastrophe mais elle tente aussi en parallèle d'installer les balbutiements d'une nouvelle mythologie se voulant originale dans le versant SF du cinéma d'Emmerich, seulement, là encore, même si cette dernière a été pensée pour être développée en trilogie, elle se résume essentiellement à un recyclage d'éléments du genre somme toute très basiques (elle ravira néanmoins sûrement une frange extrémiste d'adeptes du complot alien) et arrive uniquement à faire illusion le temps de quelques représentations visuelles bien senties ou en jouant légèrement sur notre fascination pour l'inconnu avant de retomber comme un soufflé de gruyère lunaire.
Et le soulagement ressenti en arrivant au générique du fin donne surtout très envie de s'arrêter à ce qui s'apparente à une première bataille plutôt que de continuer une guerre qui a toutes les chances de tourner au calvaire, il n'est pas sûr que nos neurones soient encore aptes à être retournées dans tous les sens par de nouvelles vagues de gravité ou définitivement aplaties par une Lune qui aurait la mauvaise idée de nous retomber sur le coin de la tête.