Il y a dans Moonlight un peu de la magie qui faisait le charme de Boyhood : ressentir l'épaisseur du temps qui passe.


Dans le chef d'oeuvre de Richard Linklater, c'étaient les acteurs eux-mêmes qui vieillissaient. Ici, le même personnage est joué par trois acteurs différents, à trois âges de la vie.


Le premier grand mérite du film est de rendre crédible les transformations physiques du personnage : plutôt gringalet dans les deux premiers épisodes, il se transforme en armoire à glace dans le troisième. Au premier abord, l'effet est déstabilisant, mais la qualité de jeu des différents acteurs parvient à installer une continuité psychologique parfaite, principalement sur la base de regards et d'expressions.


Ce miracle est rendu possible par l'exceptionnelle direction d'acteur du réalisateur Barry Jenkins. Sa caméra semble caresser les personnages avec tendresse et émotion : plusieurs scènes du film sont des bijoux de délicatesse et de justesse. La scène du restaurant, dans la dernière partie du film, est un magistral moment de cinéma, qui semble condenser l'essence d'une vie dans un espace somme toute quelconque, par la seule grâce de la mise en scène.


Lorsqu'on a dit tout cela, le fait que le personnage principal du film soit homosexuel semble à la fois accessoire (le film est avant tout un portrait élégiaque et dépité) et fondamental (tout ce qui s'y passe ou presque renvoie à la condition de Noir gay dans un environnement défavorisé).


C'est beau, et c'est un des grands moments de cinéma de 2017.


http://www.christoblog.net/2017/02/moonlight.html

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le 20 févr. 2017

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