Initié au cinéma de Wes Anderson par ma nana il y a une dizaine d'années, je n'en connaissais alors que La Vie Aquatique et pour tout avouer je suis passé à côté. Pourtant ce film a fort belle réputation. Si je lui reconnais des qualités indéniables en terme plastique et technique, si l'univers est foisonnant et décalé, j'avais trouvé ça trop long ou trop loufoque finalement, sans doute un mélange des deux. Du coup j'avais mis cet univers de côté. À tort bien évidemment.
Grand bien fasse à ma dulcinée, qui avec une infinie patience, parvint à me montrer La Famille Tennenbaum et À Bord du Darjeeling Limited. Je fus convaincu et enthousiaste. Elle tenta alors un revisionnage de La Vie Aquatique, et non, celui-ci je n'y arrive pas, à mon grand dam et malgré Bill Murray.
Et arriva donc Moonrise Kingdom. Un choc, un vrai, comme je n'en avais pas eu depuis longtemps.
Très ancré dans l'univers de son réalisateur, et donc plein d'une poésie douce-amère habitée par des personnages lunaires et dysfonctionnels, cette histoire de fugue (pré)adolescente est un véritable baume au cœur pour qui sera sensible à cet univers.
Anderson le texan (comme quoi les clichés) n'est plus un débutant, il sait ce qu'il veut et ainsi cadre, photo, éclairage, musique sont parfaits. La direction d'acteur est un bijou, le talent du casting incontestable (Anderson est un metteur en scène dit "familial", donc fidèle à ses équipes et comédiens, tout en élargissant son cercle depuis le début de sa carrière). Très légèrement circonspect sur la présence de Bruce Willis à l'affiche, mes doutes se levèrent très rapidement. À cause de l'image brouillée par tous les McLane-like qu'il a interprété, j'ai tendance à oublier que Bruce est un "vrai" bon acteur.
Mais pour le cast il est évident que les vraies révélations sont les gamins. Et pas seulement notre couple de fugueurs, même si ceux-ci méritent une mention spéciale.
Mais bien au-delà de la réussite formelle, d'une écriture et d'une création de personnages très inspirées, de la qualité de l'interprétation et d'un rythme parfaitement maîtrisé, Moonrise Kingdom est un film que je qualifierais de sensoriel, à défaut de trouver mieux.
Spectacle visuel évidemment, mais pas seulement. Bruitage, musiques, tout sonne juste. Tout au long de la bobine quelque chose de viscéral remonte, non pas des souvenirs mais un réel parfum d'enfance. Et pourtant ce parfum n'a pas que des relents agréables, il ramène aussi des effluves de soucis, de peurs, voire de traumas. A hauteur de gosses, les doutes et les craintes sont contre-balancés par une certaine naïveté, ce qui donne foi en la magie. C'est ce mélange de sensations contradictoires parvenus de l'enfance qu'à réveillé ce film en moi. Quelque chose comme croire à de minuscules utopies qu'on sait impossible mais, quand même si jamais...
Magistralement mis en scène, ce film chorale respire l'enfance, la vraie.
Véritable chef-d'œuvre d'une mélancolie heureuse.