Massacre à la tronçonneuse, chef-d'œuvre du film de genre, succès critique, pourtant maudit et interdit durant longtemps dans de nombreux pays, reste à ce jour l'un des films d'horreur les plus influents qui existe.
A l'époque de sa sortie, cette bobine, contant la rencontre entre un groupe de jeunes en vadrouille et de la famille la plus tarée du cinéma, choque autant qu'elle fascine. Une tournée de festivals et la censure nourrissent nombres rumeurs qui contribueront à la légende du film, jusqu'à en faire un véritable mythe. Une chose est certaine, il changera définitivement le paysage du cinéma américain et cannibalisera la filmographie de son réalisateur, Tobe Hooper.
Quarante-cinq ans plus tard, ce monument est devenu un classique d'une brutalité sans concessions, souvent imité sans jamais être égalé. Cet objet rendu sulfureux par sa légende un peu exagérée hante toujours la mémoire collective cinéphile et s'inscrit clairement dans la culture populaire.
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, Massacre à la tronçonneuse n'est pas un film de potes désœuvrés travaillant le week-end et les jours fériés. Malgré leur jeunesse et leur inexpérience, Hooper et Kim Henkel, son scénariste, ainsi que leur équipe, tiennent à marquer les esprits. Leur film se doit d'exister aussi comme œuvre commerciale, et s'il n'engrange pas tellement de billets verts, il faut qu'il les fasse remarquer par l'industrie. A minima. Il fera bien mieux, en quelques semaines, l'obscur petit film dépasse son statut et devient un animal du box-office.
Bien que le tournage fut tendu, bordélique, épique, les choix de mise en scène font mouche. La caméra à l'épaule renforce le côté réaliste et cru de l'image du cinéma-vérité si cher à son réalisateur.
Le montage, tantôt abrupt, grossier, voire inattendu, tantôt redoutablement élégant surprend et dérange plutôt par les associations d'idées qu'il provoque que par la démonstration à tout prix sanguinolente finalement peu présente ici.
En effet, ce Massacre n'est pas si gore, tout comme on y trouve peu (à quelques incartades près) de langage ordurier et encore moins de sexe et de nu. Beaucoup de suggestions et de détails (les ossements disséminés ça et là dans la maison, la bouffe avariée...) font une bonne part du boulot. Des plans décalés, peu habituels contribuent au malaise du spectateur encore renforcé par les effets sonores.
L'un des aspects les plus marquants de l'œuvre se trouve dans le sous-texte, ce qui se cache derrière cette tuerie basique. D'abord l'opposition entre le monde citadin et la ruralité, quelque-chose comme la revanche des red-necks, et puis le contexte, c'est un film de crise parlant de crise en temps de crise (économique, sociale, politique).
Voilà pourquoi son aura malsaine ne s'est jamais flétrie, les U. S. A (et l'occident) flirtent avec le bord du gouffre depuis plus de quarante ans, mensonges politiques, misères et injustices sociales, déshumanisation. En y ajoutant la peur de la mort et l'agonie de sa jeunesse, Hooper, avec l'étrange famille de son film, offre à l'Amérique les enfants qu'elle mérite (encore et toujours).
Plus qu'un film, un objet fascinant et rebutant au pouvoir d'attraction vénéneux et venimeux à la fois, qui engendrera une véritable franchise sans plus de réelles réussites.
Chef-d'œuvre !!!