Morse est un film suédois qui, en son cœur, parle d'une histoire d'amour impossible (à plusieurs niveaux) et du passage à l’âge adulte (là encore sur plusieurs niveaux). Mais surtout, il le fait de façon si unique et originale, qu’il est difficile de mettre Morse dans une catégorie bien définie.
Oskar (Kåre Hedebrant), garçon de douze ans victime d’intimidation, se lie d’amitié et développe un béguin innocent pour sa nouvelle voisine, Eli (Lina Leandersson). Dès leur première rencontre se développe une attirance réciproque et nous pensons savoir où tout ça va nous mener. Mais voilà, il y a un secret sombre et profond à découvrir ici et qui, lorsqu'il est révélé au spectateur, provoque à la fois un rejet immédiat et une curieuse fascination.
Dès le début du film, l'histoire délivre quelques secrets et ce serait dommage de les révéler ici. Ce sera donc l’une de ces rares critiques, dans lesquelles moins on en dit sur l’intrigue, mieux c’est. Morse c'est donc un film d’horreur fantastique sombre, tordu, gore et originale, l’un de ces films difficiles à classer. Non seulement c'est un exercice de style fascinant, mais aussi un brillant morceau de narration amorale. Et même si les actions de certains personnages défient parfois toute logique ou bon sens (je ne veux gâcher aucune surprise ici), ils semblent être là juste pour vous rappeler que ce n’est qu’un conte fantastique (mais pas pour les plus petits). Vient ensuite une histoire tordue (mais seulement en apparence) de vengeance et d’amour pubère, faite avec un flair visuel, une mise en scène créative et des performances impressionnantes du jeune couple têtes d'affiche.
Le casting secondaire n'est là que pour les besoins du récit, car tout tourne autour de l’adorable jeune couple, dont les performances rivalisent avec les meilleures que j’ai jamais vues pour des acteurs de cet âge. L’innocence et la vulnérabilité de Kåre Hedebrant est un tour de force et il porte admirablement bien le film sur ses frêles épaules. Lina Leandersson quant à elle, colle à sa performance scène par scène, ligne par ligne, et le résultat m’a littéralement donné des frissons.
La direction artistique du film est remarquable (une marque de fabrique de son réalisateur), tout est ultra soigné, la mise en scène, l'éclairage de nuit, la BO et l'ambiance sonore. La plupart du temps, nous n’entendons que le monde qui entoure nos deux jeunes héros, les rafales de vent, le brossage des dents, les voix étouffées des adultes, les "ti" et les "taah" du code morse, les bruits de bouche, le ventre qui gargouille. Le film porte vraiment la signature de son réalisateur Tomas Alfredson. Il apporte au film de l’amour et de la lumière, dans ce qui aurait pu être le drame le plus sombre inimaginable. Au final, Morse c'est en quelque sorte un conte hitchcockien éclairé.
Certains reprocheront au film d'être trop lent, mais que nenni ... c'est au contraire ce rythme qui prend le temps de poser l'ambiance, qui est la première qualité du film. Ce que le film fait, c’est laisser suffisamment de temps au spectateur pour développer sa propre perception des choses. Cela nous permet d'en déduire ce qu'on veut bien en déduire des situations les plus étranges, sans que le film nous dicte quoi en conclure. Il nous laisse la libre interprétations des choses et je suis sûr qu'elle diffère beaucoup d'un spectateur à un autre sur certains point cruciaux du récit.
Et puis il y a la dernière scène à la piscine, absolument époustouflante et qui vaut à elle seule de voir ce film.
Morse c'est tellement plus qu'un film d'horreur fantastique. C’est une œuvre purement artistique, poétique et, à bien des égards, un film très profond explorant la nature du bien et du mal. Bref, ce film est un petit bijou.