Enquête sur son propre assassin
"Mort à l'arrivée" est une série B de 1950 au rythme particulièrement effréné. Si j'en crois les spécialistes, elle fait partie des classiques du film noir, mais je peux vous assurer que les 20 premières minutes sont un supplice. J'ai vu quelques navets dans ma vie de cinéphile, et je suis par conséquent habitué à la médiocrité, mais cela ne m'a pas empêché d'arrêter deux fois le visionnage de ce film tant cette phase d'exposition me semblait insipide. Entre l'interminable scène de jazz et les bruitages vulgaires dès que le héros croise une jolie fille, ce film noir n'avait rien pour me convaincre. Mais parfois dans la vie, il ne faut pas se fier aux premières impressions…
Je vous explique le pitch en quelques lignes : Frank Bigelow est notaire, et las de sa vie plan-plan à Banning (Californie), il décide de faire une escapade d'une semaine à San Francisco. Filles, alcool, et boîtes de jazz : il compte bien s'amuser comme tout célibataire qui se respecte et oublier sa secrétaire envahissante pendant 8 jours. Après une première nuit bien arrosée, il découvre qu'il a été empoisonné par un poison lent mais à l'effet inexorable : il ne lui reste que 24 heures à vivre. Passée la phase de déni, il décide de mener l'enquête sur son propre empoisonnement, mais se sachant condamné, il doit user de méthodes peu conventionnelles pour retrouver son "assassin"…
Les amateurs du "Grand Sommeil" seront sûrement aux anges : le scénario de "Dead on Arrival" est savamment tordu, et à moins de prendre des notes pendant le visionnage, vous finirez forcément par vous emmêler les pinceaux à un moment ou un autre du film. Cette difficulté de compréhension est essentiellement due au rythme effréné qu'impose le réalisateur à partir de la 35ème minute : sonné par la nouvelle qu'il vient d'apprendre, Bigelow se rend compte que ses heures sont comptées. N'ayant plus de temps à perdre, et il se met à accélérer le pas, puis à courir, le tout sur une musique de Dimitri Tiomkin particulièrement anxiogène. Dès lors, le cinéaste passe la seconde, le montage devient plus nerveux, et vous aurez intérêt à vous accrocher pour espérer y comprendre quelque chose…
Parmi les grands moments du film, on retiendra la fusillade dans l'usine abandonnée, la longue course dans les rues de San Francisco, ou encore le face-à-face silencieux avec l'empoisonneur. Mais "Mort à l'arrivée" est loin d'être irréprochable, et il souffre de nombreux défauts, à commencer par un casting bien fade. Les acteurs sont tous dans la surenchère, et certaines scènes frisent le ridicule. Pour résumer les choses, le film est réussi quand il reste dans le domaine du thriller, mais dès que Rudolph Maté s'intéresse à la vie sentimentale du héros, c'est une catastrophe. En outre, Edmond O'Brien reste un acteur de seconde zone, et il parvient difficilement à retranscrire les émotions d'un homme condamné à courte échéance.
Malgré ses qualités, D.O.A. n'est donc pas le classique du film noir que l'on m'avait survendu. Il a certes le mérite de nous faire visiter San Francisco à toute allure, et de nous proposer un scénario pour le moins original. Mais il est plombé par un casting sans envergure et une vision des femmes particulièrement machiste. Bref, il ne s'agit ni plus ni moins que d'une vulgaire série B qui ne fait pas le poids face aux véritables classiques du cinéma noir sortis quelques années plus tôt.