Oeuvre étrange et déboussolante, "Mortelle randonnée" s'impose d'emblée comme un polar singulier, bien plus par la mise en scène et la construction que lui donne Claude Miller que par un scénario plutôt classique. Quoique... Il y a tout de même de quoi être étonné par l'étrange fascination de cet "Oeil" prêt à couvrir les différents crimes d'une jeune femme pour d'étranges raisons de ressemblance familiale, tout autant que la relation à distance qui unit les différents personnages... Nul doute d'ailleurs que cet aspect est lui aussi clairement à méditer, mais c'est bien la forme très curieuse qu'a donné Miller à son oeuvre qui nous interpelle en définitive le plus. Que ce soit par la manière dont il dessine le personnage de "L'Oeil", celle dont il le fait parler seul et suggérant presque un décalage entre son et images, ce qui peut perturber quelque peu au début, mais qui s'avère vraiment payant à la fin. Alors on pourra toujours trouver que tout ne fonctionne pas aussi bien (présence peu convaincante de Guy Marchand notamment), mais alors que le film aurait pu être d'une platitude incroyable, Miller le rend au contraire étonnant et presque passionnant en définitive : c'est sans doute cela la marque des grands, surtout que les acteurs ne sont pas en reste (remarquable Michel Serrault, éblouissante Isabelle Adjani) : fort, très fort.