Le cinéma de Darren Aronofsky me laisse rarement indifférent, soit je déteste, soit j'adore. Il n'y a pas de demi-mesure face à ses diverses expériences et Mother! n'échappe pas à la règle.
Elle (Jennifer Lawrence) est en sang au milieu des flammes, puis il (Javier Bardem) pose une pierre scintillante sur un socle et elle se réveille dans une immense demeure isolée au cœur de la nature. La vie a repris son cours, jusqu'à ce qu'un inconnu (Ed Harris) vienne troubler la tranquillité du couple.
Mother! est une expérience. C'est un huis-clos anxiogène débutant sur un plan digne de Carrie, avant de flirter avec Rosemary's Baby, puis de nous plonger dans les affres de la création. Les références sont rassurantes, elles me séduisent avant que cela vire au cauchemar. La caméra de Darren Aronofsky suit Jennifer Lawrence comme son ombre et par extension permet au spectateur de s'immerger dans cette oeuvre à la fois fascinante, dérangeante et envoûtante. C'est à ses côtés que l'on découvre la demeure et ses diverses pièces, puis les différents personnages qui vont s'imposer contre son gré. On se laisse prendre dans ce tourbillon de folie créatrice, en étant secoué, déstabilisé, angoissé, etc.... c'est une foule d'émotions qui se déchaîne au cœur de cette histoire ne laissant personne indifférent.
La première partie est intrigante. Elle a reconstruit la maison après un incendie. Maintenant, elle s'attaque à sa finition avec les peintures et l'évier instable, symbole de la fragilité de son oeuvre. Dès qu'elle pose sa main sur un mur, on aperçoit les battements d'un cœur. Elle fait corps avec sa demeure, elle en est la gardienne et veille au calme qui règne en ce lieu pour que l'esprit de son homme ne se focalise que sur l'écriture de son prochain roman. Il a sa pièce, celle ou se trouve la pierre scintillante, mais l'inspiration ne vient pas. L'arrivée d'un inconnu sera une source de distraction, un moyen d'oublier l'angoisse de la page blanche. Ils se lient rapidement, à croire qu'ils se connaissent déjà. L'inconnu prend ses aises et elle se voit reléguer au second plan, comme si elle faisait partie du décor. Sa femme (Michelle Pfeiffer) s'invite aussi à l'intérieur de leur lieu de vie, puis leurs enfants (Domhnall & Brian Gleeson). Ils apportent avec eux leurs névroses en perturbant la sérénité du couple.
Sommes-nous dans une variation de Rosemary's Baby? Quel était la vie de l'homme avant sa rencontre avec elle? Cache-t'il un terrible secret dans la pénombre de la cave? Connait-il tout ces gens qui se présente à sa porte? On se pose de nombreuses questions face aux événements. En attendant les réponses, on fait corps avec Jennifer Lawrence, on frémit dès qu'elle croise le regard de Michelle Pfeiffer et nous sommes dans un désagréable état d'angoisse.
Les éléments mis en place s'inspirent des films d'épouvante : une maison isolée, l'arrivée d'inconnus, une cave et sa bruyante chaudière, le sang dans le parquet, les changements d'humeur de l'homme, sans oublier les flammes du premier plan. L'atmosphère est irrespirable et pesante. On attend la révélation, le retournement de situation, le moment qui va tout remettre en place et nous délivrer du mal, amen.
Après ce chaos, c'est le calme qui va reprendre ses droits entre ses murs. Elle est enceinte, il a retrouvé l'inspiration et tout va pour le mieux dans le meilleur de leur monde. A l'approche de l'accouchement, les fans de l'auteur se bousculent à la porte de leur demeure. Ils sont là pour saluer l'arrivée du messie ou de l'antéchrist. Sa gestation fût douloureuse, sa naissance sera éprouvante et elle va devoir couper le cordon sous la pression du public. Leur bébé ne leur appartient plus, il est jeté en pâture aux critiques et aux spectateurs, qui vont en faire ce qu'ils veulent. L'auteur va créer une nouvelle oeuvre auprès d'une nouvelle muse. Ce n'est qu'un éternel recommencement.
On vient d'assister aux affres de la création, de ses débuts chaotiques avec l'angoisse de la page blanche alors que les ramifications de son oeuvre se mettent en place loin de ses yeux mais dans les recoins de son esprit. Il passe par diverses émotions : le doute, la peur et l'angoisse. Il va se laisser distraire par le monde et ses vices pour oublier ses idées noires. Puis après la tempête vient le calme, son esprit est en effervescence et les pages s’enchaînent les unes après les autres, jusqu'au point final. La gestation a été douloureuse, elle s'est déroulée en plusieurs étapes et a mis à mal son équilibre psychologique et celui de son couple. Son oeuvre ne lui appartient plus, c'est au tour du public et des critiques de se l'approprier pour le pire et le meilleur. Le processus de création reprend ses droits avec une nouvelle idée. Jennifer Lawrence a succédé à Brandon Milbradt, qui avait elle-même pris la place de Rachel Weisz. Darren Aronofsky va-t'il changer de muse, comme son double cinématographique Javier Bardem?
Cette plongée dans l'esprit de Darren Aronofsky est angoissante. L'auteur nous amène dans les abîmes de son psychisme, en parlant de la complexité de son processus de création, de sa relation avec Jennifer Lawrence, une jeune et belle actrice dont il ne comprend pas qu'elle puisse être à ses côtés, de sa peur de l'échec et de ses conséquences. Il se met à nu, sans prendre de gants en nous crachant toute sa douleur en pleine figure.
C'est violent, parfois grotesque et dénué de subtilités avec ses références bibliques. Pourtant, l'expérience est si intense avec une foule d'émotions nous emmenant dans des recoins inattendus que l'on en ressort ravi de s'être fait malmené du début jusqu'à la fin. Une oeuvre épouvantablement envoûtante.