Mazette, on peut dire que ça pour le coup, c'est du lourd cinéma!
Y a un peu tout ce que j'aime dans ce film : une bonne ambiance qui vous prend aux tripes, de l'audace et surtout, un nombre très impressionnant de sous texte. A tel point que j'aurais plus vite fait de devenir le meilleur dresseur de Pokémon que d'attraper toutes les interprétations que l'on peut faire de ce film.
On pourrait le regarder tellement de fois et à chaque fois, voir un film différent, c'est dingue!...
Déjà, au premier degrés, il s'agit d'un invasion-home halluciné, complètement stressant, qui sait bien faire monter sa sauce, jusqu'à un final explosif (au propre comme au figuré). Bon, à ce niveau, ce qui se passe n'a aucun sens, mais en terme de pure sensation, c'est déjà très fort...
Et si votre suspension d'incrédulité ne peut s’accommoder de trop de WTF, sans perdre en immersion, alors vous pouvez passer en mode "récit onirique". En effet, ce film pourrait constituer une superbe proposition purement cauchemardesque. Franchement, beaucoup de passage m'ont rappelé mes propres cauchemars et s'était particulièrement perturbant...
Au delà de ça, difficile de passer à côté d'une dimension biblique. Les indices sont trop nombreux pour être ignorés : le personnage de Bardem qui serait Dieu (l'explosion ne lui fait rien). Le meurtre de Abel par Caïn. Le sacrifice théophagique. Le fruit défendu. Le Paradis originel. La folie Dogmatique d'une foule fanatisées... Et j'en loupe surement de pleines brouettes...
Mais il serait à mon sens réducteur de s'arrêter là...
On pourrait en faire une lecture féministe, avec l'aliénation de la Femme, qui ne s'appartient plus, qui fait toutes les tâches matérielles, pendant que l'Homme, se prélasse dans une posture intellectuelle assez peu féconde... tout du moins tant qu'il n'a pas sucé (en tout bien tout honneur) l'énergie de sa Femme jusqu'à ce que mort s'en suive...
On pourrait y voir une fable écologique, où la maison serait la Terre, chouchouté par Mère Nature, mais que la prolifération de parasites envahissants dégraderait de plus en plus. Ces idiots d'humains restant sourd à tous les avertissements que leur lance Mère Nature...
On pourrait imaginer une parabole sur la possessivité et la difficulté du partage.
On pourrait plutôt pencher vers une représentation imagée des affres de l'accouchement...
Ou bien des relations de couple (apparemment l'actrice et le réal étaient en couple ; ça doit être animé leurs soirées pyjama dis donc!...)...
On peut bien évidemment rattacher cela à une "simple" métaphore sur la création artistique ; approche qui ne peut être innocente venant d'un auteur qui se vit lui même très certainement comme une sorte de "démiurge" et qui exprime donc ici mécaniquement, que cela soit entièrement conscient ou pas, ses propres frustrations et fantasmes.
On pourrait même, si on était un brin facétieux et très mauvais esprit, imaginer une lecture "Trumpiste" du film, avec l'invasion de personnes étrangères qui détruisent le paradis originel dont l'entrée aurait du être sanctuarisée…
Bref, je m'arrête là, même si je suis sûr qu'en creusant plus profond et avec un peu d’imagination et d’exercice mental, on pourrait trouver encore d'avantage de pistes de lecture.
La réal elle est plutôt efficace. Cette propension à toujours nous maintenir dans le point de vue de la Mother (avec notamment de nombreuses scènes où la caméra tourne autour d'elle en suivant ses mouvements) marche très bien et favorise grandement l'immersion, l'empathie et le sentiment de détresse...
La Jennifer Lawrence, je ne la connaissait presque que via Hunger Games où je l'avais trouvé très médiocre, à l'image du film en général d'ailleurs. J'ai donc était relativement bluffé par sa performance ici. Bardem est parfait pour son rôle ; flippant à souhait en tyran assoiffé d'amour. Quant à Ed Harris, il pue le charisme (as usual) et Michelle est parfaite en insupportable pétasse qu'on a envie de baffer dès qu'elle ouvre la bouche. Bref du tout bon ici aussi.
Alors avec tout ça, pourquoi seulement un 8 me demanderez vous (ou pas)?...
C'est une bonne question.
Et bien nonobstant toutes ces éloges, il y a quand même deux trois trucs qui m'ont fait tiquer et qui empêchent le film d'accéder au rang de "Chef d'oeuvre" à mes yeux.
Déjà, les effets spéciaux numériques sont assez laids et ne rendent clairement pas honneur au niveau et au sérieux global du film. J'irais pas jusqu'à dire qu'ils sont aussi moches et honteux que le T-Rex dans Lucy, mais franchement pas loin...
Ensuite, cette espèce de mini-spoil en ouverture du film était complètement stupide et dispensable. Il y avait 1000 manières plus subtils et adroite de démarrer ce film. J'irais pas jusqu'à dire que c'est autant déplacé et honteux que l'ouverture spoiliative de L'Impasse, mais honnêtement ça s'en rapproche...
Et puis enfin et surtout, le film a les défauts de ses qualités : je suis le premier à apprécier quand un film bien foutu offre plusieurs niveaux de lectures. Mais là, c'est limite trop. A trop vouloir parler de tout, on a parfois la sensation qu'il ne parle plus de rien. On a tellement de métaphores, de paraboles, d'allégories… qu'on a même plus assez de synonymes dans la langue Française pour toutes les nommer et on finit durant le visionnage, par sauter régulièrement de l'une à l'autre, ce qui fait perdre en puissance évocatrice, puisqu'il devient difficile de se "focus" sur un discours donné (comme si on devait regarder une histoire projetée en différé sur plusieurs écrans à la fois).
Sans compter une impression d'orgueil, de la part d'un film qui se la pète un petit peu quand même (non sans bonnes raisons hein, mais tout de même) ; après tout, se prendre pour Dieu, même métaphoriquement, c'est pas la meilleure preuve d'humilité qui soit...
Bref, un film pas parfait, mais extrêmement intéressant et d'une grande puissance artistique, qui tabasse et ne laisse pas indifférent.
Moi qui avait beaucoup aimé Requilem, il faudrait peut être que je me penche d'avantage sur la filmo du sieur Aronofsky ; parce que si tous ces films sont aussi réussis ça promet.