Revoir la toujours ravissante Halle Berry dans un film horrifique a presque tout d'un saut dans le temps. Car vingt et un ans, soit un bon coup de pelle, séparent Mother Land de Gothika, déjà réalisé par un réalisateur français expatrié. Sauf que Mathieu Kassovitz, pour beaucoup, s'y était cassé les dents.
Soit tout l'inverse d'Alexandre Aja depuis son remake de La Colline a des Yeux. Allez, soyons francs, il faut bien reconnaître que son Oxygène, en forme d'escapade streaming, avait un goût de trop peu en 2021.
Beaucoup diront la même chose de Mother Land aujourd'hui. Pas très étonnant sans doute, dès lors que le film s'installe dans un faux rythme et n'offre pas immédiatement au spectateur ce qu'il est venu chercher. On vous parlera dès lors de déception, voire d'ennui pour les moins réceptifs et les plus impatients.
A l'heure où l'on vomit à l'envi les formules toutes faites et l'absence de surprise, c'est à n'y plus rien comprendre.
Car avec Mother Land, tout est question de croyance, en premier lieu que les conventions du genre seront respectées, alors que le film s'engage vers d'autres voies. Cette maison reculée et ce repli du monde a ainsi tout de la redite d'un concept de M. Night Shyamalan, entre le moderne Knock at the Cabin et les règles pesantes de son classique Village. Il s'agira donc sans doute de survie face à cette menace tout d'abord indéfinie, tapie dans les bois. Un mal étrange dont on ne sait de quoi il retourne réellement.
On ne le saura jamais vraiment, d'ailleurs, car Alexandre Aja joue constamment entre la réalité de ce qu'il nous raconte et l'illusion. Car le mal n'existe pas, c'est bien connu. Mais sa plus grande ruse, finalement, est de le faire croire. De quoi donc faire douter de la santé mentale de son héroïne, qui protège ses enfants ou les endoctrine et les emprisonne dans sa propre conception de la foi, qui aurait alors tout de la croyance sectaire. Un aspect qui rappellera sans doute Emprise, le merveilleux film de Bill Paxton, petit classique qui avait bien sûr été traité de fondamentaliste avant de tomber dans l'oubli du côté de la bien-pensance.
De quoi dérouter un peu plus encore, Aja raconte son histoire en empruntant la forme du conte de fées et son chapitrage, autre moment privilégié entre un parent et la chair de sa chair, pour lentement changer sa focale en glissant d'Halle Berry vers ses jumeaux, dans une histoire d'émancipation et de formation de la morale et de l'esprit critique. Qui pousse littéralement à couper le cordon et à s'écarter des routines rassurantes, une invitation aussi lancée au spectateur dès lors qu'il fait preuve d'ouverture d'esprit.
Et tandis qu'Aja n'apportera jamais d'explication claire à son histoire, le public est ainsi laissé libre d'y plaquer sa propre interprétation, de la plus cartésienne et terre-à-terre à la plus ésotérique, qui pourrait peut être même rappeler L'Autre de Robert Mulligan.
Le masqué serait presque tenté de dire que Mother Land se mérite. Car s'il sacrifie au frisson le temps de quelques scènes très réussies, l'oeuvre relève moins de l'épouvante pure que du conte macabre explorant les peurs enfantines de manière efficace et loin des sentiers mille fois arpentés.
Behind_the_Mask, la corde raide.