J’avais envie de voir un film de Robert Bresson depuis que j’ai entendu la critique du podcast « La gêne occasionnée » sur le film E.O. (2022) de Jerry Smolinovsky: https://podcasts.apple.com/fr/podcast/la-g%C3%AAne-occasionn%C3%A9e/id1482640266?i=1000584310006
Il semblerait que le film Au hasard Balthazar (1966) de Bresson soit la principale source d’insipiration d’E.O. Je n’ai pas encore eu l’occasion de le voir, mais je vois déjà un lien entre Mouchette et E.O. Si je schématise, dans les 2 films on se retrouve face à un personnage principal (l’âne/Mouchette) qui erre sans « avancer », sans « franchir d’étapes » au sens scénaristique du terme. Sa trajectoire est déviée, quelque peu dénuée de sens, ascénaristique.
Le début du film est étrange, avec un court monologue où une femme s’exprime dès la première seconde, avant même un générique. Bresson filme avec une caméra proche du sol, comme si c’était un moyen de nous avertir que c’est un film sur la bassesse de l’être humain.
Le film est empli d’une grande violence, qui ne s’arrête jamais: la violence physique d’Arsène, le braconnier, la violence verbale de la femme qui lui offre un café, la violence physique de son père ou lorsque Mouchette elle-même harcèle ses camarades, qu’elle doit juger trop riches et trop propres par rapport à elle.
La seule scène un peu rigolote du film, celle des autotamponneuses, est très bien filmée. Ça doit pas être évident d’obtenir exactement le résultat voulu dans un tel chaos où des voitures s’entrechoquent dans tous les sens.
Ce que je trouve le plus intéressant dans ce film, c’est qu’il ne cède à aucune facilité scénaristique. Quand Mouchette est sur le point de rencontrer un garçon à la fête foraine, ce n’est pas une histoire d’amour qui commence. Son père vient lui mettre 2 claques et la ramène à la maison. Quand Arsène semble lui témoigner de la compassion, ce ne sera pas (enfin) un ami qui l’aidera à surmonter les épreuves de la vie, mais l’homme qui va la violer. Quand la vieille dame lui offre des habits pour l’enterrement de sa mère, cela ne donne pas lieu à une scène d’enterrement grandiose où la mère pleure sa fille. Mouchette s’enveloppera dans ces vêtements avant de se suicider, elle ne verra même pas l’enterrement.
Son personnage fait un peu penser à celui de Cosette dans Les misérables de Victor Hugo. Cependant, là où le romantisme de Victor Hugo lui faisait dépeindre une Cosette devenant une bonne personne grâce à l’amour de Jean Valjean, puis de Marius, le pessimisme de Bresson noie Mouchette dans le désespoir.
Mouchette, c’est un film sur l’aspect absurde de la vie humaine.
Le choix du noir et blanc est pertinent, je ne sais pas si ça fait passer un message particulier, mais l’image est belle ça me suffit.
Encore une fois, les acteurs amateur s’en sortent très bien. Ça me conforte dans l’idée de continuer à faire jouer des acteurs amateur dans les films que je réalise.