Capable de faire un virage à 180 degrés entre les genres mis en scène, John Huston s'attaque en 1952 à la vie de Henri de Toulouse-Lautrec, débutant dans le Paris de 1890 et évoquant son art, son handicap ou encore son rapport avec les femmes.
Biopic très romancé, Moulin Rouge offre d'abord la très bonne et agréable surprise de nous emmener avec grand brio dans le Paris de l'avant-Guerre et de la belle époque, à cheval entre deux siècles et dans une ambiance particulièrement colorée, mélancolique, charmante et prenante. Le metteur en scène du Faucon Maltais insiste sur le portrait humain et la psychologie du protagoniste, notamment ses malheurs, déboires et son rapport avec l'amour, qui va le modifier en profondeur, comme en témoigne toute la dernière partie de l'oeuvre.
Huston n'évite tout de même pas quelques clichés propres aux biopics, à commencer par le parcours de l'artiste maudit, très "hollywoodien" finalement bien qu'il arrive tout de même à se démarquer un minimum. Il y a une sensation d'infinie tristesse qui traverse l'artiste et le film, ainsi qu'une grande lucidité dans la vision de l'art, notamment lorsqu'il évoque que ce n'est même plus le tableau que les gens admirent mais le nom qui se cache derrière, mettant en avant une certaine hypocrisie dans ce milieu. On peut aussi regretter l'intrusion des flash-back qui sont assez mal amenés et assez vains, n'apportant rien à l'oeuvre, bien au contraire même.
Derrière la caméra, Huston dévoile tous ses talents, notamment pour dépeindre les bas-fonds dans lesquels erre l'âme triste de cet artiste en mal de vivre, il donne une vraie puissance à ce portrait. Quelques séquences, notamment musicales, sont particulièrement mémorables, tandis que la reconstitution avec les décors et jeux de lumières est parfaitement bien exploitée par le cinéaste américain. Il bénéficie aussi d'une excellente et authentique performance de l'acteur José Ferrer, donnant vie à ce personnage et sachant en retranscrire les particularités.
John Huston propose avec Moulin Rouge une retranscription de la vie de Toulouse-Lautrec parfois maladroite mais prenante et d'une infinie tristesse où l'on suit dans un magnifique Paris de la belle époque, le spleen d'un artiste en mal de vivre.