Le troisième long métrage de João Pedro Rodrigues est sans conteste son film le plus émouvant. Mais c'est aussi son œuvre la plus austère. Si Tonia se produit comme travesti sur une scène de Lisbonne, c'est à sa vie hors-scène que le film s'intéresse. Se positionnant contre l'exubérance supposée des artistes à paillette, le cinéaste construit un récit lent, sorte de rêve éveillé dont la profonde mélancolie nous gagne progressivement.
Mourir comme un homme est donc l'histoire de Tonia, femme à sexe d'homme qui tarde à se faire opérer. Tonia aime Rosário. Il a l'âge de son fils, se drogue, la traite sans égards, mais Tonia l'aime. Au-delà de la quête d'identité qui mine son personnage principal, Mourir comme un homme est une histoire d'amour qui se dévoile au fur et à mesure que le film avance, finissant par exprimer toute sa puissance dans une dernière partie bouleversante.
Comme pour ses précédents films, João Pedro Rodrigues part du réel pour mieux le tordre. Film de la durée qui agit comme une drogue, Mourir comme un homme distille une atmosphère singulière, aussi triviale qu'irréelle, qui semble d'abord artificielle puis finit par nous tordre le cœur. Si la fin est poignante, c'est parce que le cinéaste nous y a conduit sans qu'on y prenne garde, avec cette manière si particulière, qui est désormais sienne, de nous brouiller les sens et les humeurs.
Tonia est aussi détestable que touchante, Rosário aussi insupportable qu'attachant, de même que tous les autres personnages, l'improbable fils, les "rivales" de Tonia... tous composant une arche humaine de cœurs fragiles.
Subtile et sophistiquée, la mise en scène épouse les errances de Tonia et Rosário, magnifiquement interprétés par Fernando Santos et Alexander David. Film d'une infinie délicatesse, Mourir comme un homme confirme le grand talent d'un cinéaste modeste et persévérant, qui construit à la marge une œuvre profonde et humaniste.