1991 : Bikini Kill, groupe de rock féminin et américain, reprend le radicalisme musical du mouvement punk originel, pour soutenir un discours féministe en avance sur son époque. Bikini Kill, sans surprise, n’est pas bien reçu par le patriarcat blanc US, sera la cible d’une haine masculine violente et galérera pendant quelques années avant de se séparer. Le mouvement des Riot Grrrls reprendra le flambeau pour perpétuer le message de rébellion, mais en général d’une manière adoucie, plus commerciale souvent.
2021 : trente ans plus tard… Amy Poehler, comédienne, productrice, scénariste, réalisatrice et ex-star populaire du fameux Saturday Night Live, sort "Moxie" sur Netflix, teenage movie bien ancré dans le « genre », montrant que le message de Bikini Kill est toujours pertinent (encore plus, peut-être, grâce à l’intersectionnalité ?). "Moxie" est un tout petit film : pas très bien écrit, avec son scénario qui dérape inutilement dans la seconde partie dans les micro-psychodrames ineptes caractéristiques du genre (justement…), pas très bien interprété (avec quand même une mention spéciale au fiston Schwarzenegger qui fait honneur à sa filiation Kennedy en restant un salopard flamboyant de bout en bout du film), pas très bien réalisé (niveau téléfilm de base, et on est gentils !)… Pourtant, "Moxie" est un film sacrément efficace, qu’il est formidablement important que nos filles adolescentes regardent sur Netflix. Un film réellement politique, qui parle de de nous, de notre monde, de notre avenir si nous avons le courage de le choisir ainsi.
Un film qui, comme tous les films politiques, est « primaire », « caricatural », pas assez « intelligent » pour tous les gens très sophistiqués qui se déclarent cinéphiles, gardiens du temple et du bon goût, et qui rient de la clarté d’un propos militant qu’ils assimilent à du simplisme. Lire les soi-disant critiques sur "Moxie" permet de réaliser combien le combat est encore loin d’être gagné : on se gausse du « politiquement correct » d’un film qui parle franchement, justement, d’intersectionnalité, de la nécessaire convergence des combats, que l’on soit immigré chinois qui lutte pour s’intégrer, latino méprisé à qui l’on reproche sa culture, handicapé éternellement relégué à l’arrière-plan dans un monde qui célèbre le sport, femme qui doit se sentir fière d’être classée comme « la plus baisable du lycée…). On ricane du manque de subtilité d’un propos qui ne relativise ni la rage ni la honte, et les utilise au contraire comme signe de ralliement, oubliant donc, « malheureusement » que « le cinéma, c’est de l’Art » (ou du cochon ?). On lit donc sur "Moxie" le même genre de propos méprisants qu’on a pu lire sur les derniers films de Ken Loach, et ce n’est pas une coïncidence. L’écœurante condescendance, frôlant le mépris, qui se manifeste dans ces critiques, prouve seulement que l’immense majorité des gens qui les écrivent, mâles blancs d’un certain âge qui se jugent cultivés, sont entièrement du côté de Mitchell, et pas de Vivian, Claudia, Lucy et les autres… Et sont les mêmes qui ont détesté viscéralement Bikini Kill en 1991.
"Moxie" se termine sur les images magnifiques d’une fête colorée, où tout le monde danse sur un tube des Brésiliennes de CSS (Cansei de Ser Sexy = j’en ai eu marre d’être sexy !), c’est dire qu’Amy Poehler a bon goût musical, en plus.
Un dernier mot : si vous avez une fille pré-ado ou ado, encouragez-la à regarder "Moxie", et surtout, surtout, ne vous moquez pas devant elle d’un teenage movie qui l’encourage de la manière la plus honnête possible à être elle-même. Et puis, tiens, regardez-le vous-même aussi, ça vous donnera peut-être envie de vivre dans ce monde de demain, qui va advenir, que vous le vouliez ou non.
[Critique écrite en 2021]
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