J'aimerais bien aller sur Mars
A la base le film partait sur une idée, une bonne idée même. On voit un jeune garçon confronté à un choix aux conséquences et à leurs dérivées infinis. Mais dans la construction, le réalisateur a trop dispersé les éléments.
Le réalisateur a voulu faire de l'histoire un puzzle aux pièces dissimulées et éparpillées dans le film. Le principe est très intéressant et met le spectateur dans une perspective de reconstruction et de chasse au trésor. Bel effort d'un remodelage après une défragmentation, on doit bien reconnaître que le travail est remarquable et bien mené. Certains passages comme l'histoire écrite par Némo (notre cher héros) sont très agréables car ils n'entraînent pas de conséquences et restent ainsi des électrons plus ou moins libres dans l'histoire.
Mais on s'y perd ! Il lui manque un véritable point d'appui, une ancre autour de laquelle le film se bâtirait. On finit par passer plus de temps à se demander quel morceau rattacher à quel ordre au lieu de se préoccuper de ce qu'on a sous les yeux.
Car il faut le dire, le film bénéficie d'une esthétique remarquable. Certains plans sont très beaux et bien travaillés. On se souviendra des murs qui tombent comme un décors de studio s'écroulant, révélant la construction d'une mer. Petits propos philosophiques qui raviront certains. Sur le plan visuel, rien à redire.
Quant au message que le réalisateur (et scénariste) tente de faire passer sur la causalité, l'infinité des possibilités d'un simple choix, la théorie du chaos, etc est très bien travaillé dans le film. Mais il dessert totalement son travail avec les explications du "professeur", le film se suffit à lui-même pour expliquer son propos et ces explications n'ajoutent que de la lourdeur au film. (Disons-le: on a un peu l'impression qu'on nous prend pour des cons...)
A part ça le jeu des acteurs est plutôt bon même si on se demande un peu à quoi sert le personnage de "Jeanne", mis sur un pied d'égalité avec les deux autres filles mais qu'on voit à peine. Mais les personnages sont convainquants. Natasha Little ("Elise") est époustouflante dans le rôle d'une mère et épouse dépressive. Elle ne surjoue pas et on ressent avec justesse le malaise que doivent probablement vivre ceux qui l'entourent sans que cela ne tombe dans le mélodrame pathétique et larmoyant.
Pour la musique, c'est vrai, rien d'original et de transcendant. Aucune des mélodies ne fera vibrer notre coeur sensible (ou pas d'ailleurs) parce qu'elle a été inventée par et pour cette scène. Si vous l'espériez, c'est tant pis. Mais malgré tout on ne peut qu'esquissez un sourire quand on se souvient d'où vient la chanson et ce qu'elle signifie. Par exemple quand Némo et Anna sont en train de fumer un joint sur le balcon sur fond du Where's my mind ? des Pixies.
Finissons sur une note plus terrible: vision d'horreur. Une scène qui s'est voulue très poétique, touchante et émouvante s'est révélée juste écoeurante. La fameuse scène des anges de l'oubli. Trop de poésie tue la poésie. Trop de blanc, de pureté et d'irréalité laisse sous-entendre l'existence d'un dieu (et oui il faut bien régir tout ce beau monde !) alors que le propos du film laisse l'homme confronté à ses choix et non guidé par la main d'un quelconque dieu ou destin.
En bref c'est un film assez distrayant mais qui a trop vouloir aller dans un sens, s'est perdu sur le chemin. L'idée d'un puzzle à recomposer est bien exploitée mais peut-être un peu trop. Le visuel sait se montrer à la hauteur et on passe malgré tout un bon moment.