Je viens de passer littéralement 20 minutes à savoir comment intituler cet article, puisque Mr Nobody contient à la fois sa force et sa faiblesse dans cet incipit...
Force, parcequ'en parcourant à nouveau les thèmes de son premier long métrage, avec un budget ultra-confortable, Jaco Van Dormael se montre un auteur monomaniaque, mais capable de prouesses tant visuelles que de direction d'acteur.
Et faiblesse, parce que je voyais constament d'où il venait, ce qui m'a privé d'un plaisir immédiat. Ce même plaisir qui avait fait que Toto le Héros m'avait marqué à jamais. J'ai regardé le film comme un anthropologue, en me disant constamment : " Ooh, là il torche le fion de ce connard de Jean-Pierre Jeunet ! " ou " Hah ! C'est pas ce petit péteux de Gondry qui arriverait à un tel résultat ! "
Oui, pendant que Jaco était absent des écrans, une bande d'apprenti-poètes ont occupé l'espace, avec beaucoup plus de succès qu'ils n'en méritent. Lui a quelque chose d'authentique et de précis qui se dégage de ses œuvres. Je trouve donc très sain de commencer l'année 2010 avec une sorte d'antidote à tous les pseudos-films-poèmes des années 2000... Quitte à ce que le prix à payer soit de ne pas être personnellement projeté dans le film, que je ne trouve pas moins brillant.
Car au final, si Mr Nobody constitue une continuation thématique de Toto le Héros, il s'en détache suffisamment pour avoir du nouveau à offrir. Déjà, Toto le Héros était l'histoire d'un vieil homme qui au crépuscule de sa vie, fait le point sur ce qu'elle aurait été en changeant deux-trois trux, comme ses parents par exemple. Dans Mr Nobody, les scènes du vieil homme sont une parabole à prendre avec des pincettes, puisque, comme il le dit lui-même, il s'agit d'une projection d'un enfant confronté au pire des choix : choisir entre rester en Angleterre avec son père, ou partir au Canada avec sa mère...
A partir de là, Jaco ne fait pas une simple vie-alternative fantasmée, mais une arborescence de vies et de récits, qui parviennent à se croiser par la simple confusion de l'enfant, ce qui ne manque pas d'agacer les spectateurs les moins pourvus de neurones ( dans ma salle, une bande de connasses est partie en ricanant au bout d'une heure... ). Et sur ces différents récits, il greffe d'autres touches personnelles qui avaient fait leur apparition dans Toto le Héros : en vrac, l'impossible relation amoureuse frère-sœur, Les voitures rouges, la chanson qui revient tout le temps comme un mantra, les regrets d'un vieillard, la quasi-noyade-en-baignoire !
Donc au final, en terme d'exécution, je trouve ce film exemplaire. Pour sa direction d'acteur ultra-précise et ses effets visuels toujours à propos, jamais tape-à-l'œil et sa capacité à pousser son propre bouchon plus loin sans se renier.
Mais bon, comme le disait Nemo Nobody : " Ça pourrait-être tout à fait autre chose, et ça aurait tout autant de sens ! "