Je ne crois pas que l'on puisse juger un film comme "Mr. Nobody" autrement que sur la philosophie qu'il propose. Bien entendu, d'autres aspects coexistent toujours, comme la beauté plastique des plans ou leur dynamique, le jeu des acteurs ou la richesse du scénario, et "Mr. Nobody" laisserait de très bons souvenirs s'il devait être apprécié selon ces critères... mais le ridicule serait trop grand. Qui, à propos de Martin Luther King ou d'Adolf Hitler, juge de leurs qualités d'homme en se basant sur leur style vestimentaire, le timbre de leur voix ou les prénoms de leurs enfants ? Non, le sort de "Mr. Nobody" se joue ailleurs, et différemment.
Au sortir de "Mr. Nobody" ne subsiste que la confusion - c'est d'ailleurs la seule émotion dont on soit sûr à ce stade. Qu'est-ce que je ressens ? Etait-ce un bon film ? Suis-je heureux ? Quelle est ma vie ? Quelles sont mes autres vies ? Par après, alors que les pensées et les souvenirs tentent de retrouver une certaine cohérence, les sentiments prennent le relais et l'on se surprend à détester telle version de la vie de Nemo, à parfois douloureusement soupirer devant une autre, compatir, espérer, se retrouver, palpiter, rejeter, lorsque nait soudain de ces intimes turbulences la subjugation face au génie simple et humain de l'oeuvre et de son réalisateur qui - on le découvre alors - ont promené le spectateur dans un magnifique jardin d'émotions diverses et profondes.
S'en suivront probablement des questions, beaucoup de questions, sur la signification de l'existence, sur la concordance entre la sienne propre et celle que l'on voudrait, sur ces autres vies qui nous frôlent et, beaucoup plus certainement, le sentiment tenace d'avoir approché un chef-d'oeuvre de la condition humaine.
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