On n’attendait pas forcément Mike Leigh, cinéaste social et contemporain par excellence, dans un luxueux «film à costumes» consacré à la vie d’un des plus grands peintres anglais du XIXe siècle, précurseur de l’impressionnisme et de l’abstraction, dans des œuvres où il a magnifié la lumière comme personne avant lui. Pour autant, le réalisateur de «Secrets et mensonges» et «Another Year» n’a pas transigé sur sa vision d’un cinéma qui travaille en profondeur les relations sociales, les difficultés de communication, la précarité de l’existence, à travers des personnages qui tentent de se débrouiller comme ils peuvent avec leurs problèmes et leurs contradictions. Magistralement interprété par Timothy Spall, ce Turner vieillissant nous est certes montré comme un génie doublé d’un insupportable ronchonneur, mais surtout comme un être infiniment touchant, qui cache son extrême sensibilité derrière un caractère de cochon. «Mr. Turner» nous parle de peinture, de la toute-puissance de la lumière, de la place de l’artiste dans la société, mais aussi de la condition humaine, de la maladie et de la mort dans de longues scènes dont le réalisme est transcendé par des prises de vues d’une exceptionnelle beauté.