De boue et de beau.

"Take Shelter" était un des chefs d'oeuvre de 2012 (2011 pour ceux l'ayant vu à Cannes ou autre), Mud sera sans aucun doute un de ceux de 2013. 3e film, 3e réussite de rang. Pour Jeff Nichols, ami et presque disciple de Terrence Malick, si le gâteau change en apparence, la recette, elle, reste la même.

Prenez une dose de Michael Shannon. Immense acteur déjà présent dans les deux autres films du cinéaste, cette fois ci dans un petit rôle pour lequel j'ai mis du temps à le reconnaître.

Ajoutez une énorme louche de plans célébrant la nature, ses forces, ses mystères et surtout sa beauté. Ici, le Mississippi, le mythe américain fait fleuve. Source de richesses et de dangers, il symbolise à lui seul les enjeux dramatiques du film, qui est une sorte de variation modernisée et brillante sur des histoires à la Tom Sawyer et Huckleberry Finn.

Saupoudrez le tout de quelques gamins piqués à "Tree of Life" et d'un Matthew McConaughey décidément en forme pour un rôle taillé à sa mesure. N'oubliez pas un zeste de jolie femme, ici Reese Witherspoon dans son meilleur rôle depuis longtemps.

Mélangez, laissez filmer 2h10 et vous obtenez ni plus ni moins qu'un chef d'oeuvre que ne renierait pas Malick justement. Enfance naïve et aventureuse, fleuve placide et ambigu, héros mystérieux et solitaire. Femme fragile et damnée, histoire d'amour impossible. Le fleuve coule, la boue brassée noie les cadavres du passé, du présent, et, probablement du futur. Règlements de compte la nuit tombée, les enfants regardent, troublés, apeurés, excités. Leurs parents sont hagards, au milieu. Maelström émotionnel que le cinéaste ménage patiemment, s'attardant sur des beautés fugaces pour nous conter un émerveillement qui ne peut durer.

La boue est là, partout, elle nous enlise, moi, vous, eux, l'Amérique, cette sale et belle Amérique des mythes menteurs mais qui nous font rêver. Encore un peu.