Avec Mud – sur les rives du Mississippi, Jeff Nichols nous offre un film doux et ultra-sensible à la narration et au montage « au fil de l’eau ». Cela peut paraitre étrange et pourtant le fleuve y est plus qu’un lieu : le métronome du scénario et la douceur du découpage. Peut-être parce qu’il est originaire de ses berges, Nichols filme magnifiquement le mythique Mississippi ; le réalisateur offre ainsi aux deux jeunes protagonistes la toile idéale à la projection de l’immense imaginaire enfantin. Le spectateur est immergé dans la poésie du roman d’aventure et rapidement on croirait voir Tom Sawyer et Huckleberry Finn.
Les deux jeunes interprètes sont remarquables pour incarner le premier degré de l’enfance. La sortie de l’enfance et le film s’enclencheront par une découverte, la séparation des parents d’Ellis. Il part alors à l’aventure avec Neckbone, son meilleur ami et rencontre Mud (Mathew McCanaughey) ce fugitif aux allures de héro romantique. Ce dernier tente de reconquérir le cœur de Juniper. Les idéaux d’amour d’Ellis, sa morale pure devront inévitablement se confronter aux zones grisonnantes occupées par des adultes perdus.
Le passage à l’âge adulte suppose l’abandon d’une part d’innocence, propos éculé, le film est heureusement beaucoup plus fin et profond que cela. Le réalisateur n’oppose pas, comme on en a trop l’habitude, ces deux mondes. Au contraire, les personnages font des allers-retours entre les rêveries enfantines et les phases désabusées. Les crises existentielles dont la première se nommerait adolescence jonchent nos vies. Nichols détruit les frontières étanches des différents âges de la vie. Probable admirateur des Robins des Bois (découvreurs du vocabulaire approprié) Jeff Nichols reprend à son compte l’enfulte.
Comme dans Take Shelter, le surnaturel ou plutôt l’inexplicable n’est jamais loin. Le réalisateur qui est également scénariste ménage toujours une place à un possible fantastique. Toute cette histoire a-t-elle seulement été convoquée par l’imaginaire d’un adolescent dont les parents divorcent, un enfant qui mène une ultime bataille pour l’amour pur ?
Avec poésie, Nichols prouve au président du jury de l’actuel Festival de Cannes qu’un grand récit sur l’enfance peut échapper à la mièvrerie. Ces quelques lignes doivent s’arrêter car Mud se ressent plus qu’il s’analyse. Les très belles images de Jeff Nickols sont au service d’interprètes justes dans une histoire poignante dont on sort revitalisé et rêveur.
MaximeAntony
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le 21 mai 2013

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