Après un Take shelter envoutant, Jeff Nichols revient avec un Mud où il expose encore la classe de sa mise en scène et ses thématiques sur fond de nature indomptée.


A mi-chemin entre le récit initiatique et le thriller, Mud s'installe sur les rives du Mississippi et adopte son rythme paisible mais aussi son trouble marécageux. Comme d'habitude chez Nichols, les personnages ont une raisonnance qui s'exprime dans la nature, comme ce fleuve capable de soubresauts, ses touffes d'herbe isolées dans le sable ou encore cette embouchure sur l'océan, ouverture d'un homme sur un avenir possible.


Mud est un film sur l'illusion de l'amour. L'analogie flagrante entre Mud et Elis, même si elle manque de subtilité, permet d'évoquer un seul et même personnage par le biais de ces deux entités. L'adolescence d'Elis, le conflit qui éclate entre ses parents et cette incompréhension qui en découle menant au rejet. Cette idylle avec une lycéenne idéalisée qui répond directement à celle de Mud et de Jenifer. Le vrai couple du film, Mud/Elis, plutôt deux périodes d'un même destin, se répondent constamment et se nourrissent l'un de l'autre. On retrouve un figure paternelle dure mais bienveillante, une nonchalance qui cache une froide détermination mais surtout une croyance dans l'amour romantique.


Ce romantisme qui structure ces personnages rassure dans cet arkansas déjà victime du capitalisme et du cynisme ambiant. Carcasses de bateaux abandonnées, maison familiale démembrée par la loi, les chasseurs de primes qui vendent leur morales pour quelques billets vert, Mud et Elis survivent dans une société qui lentement les rejette. Incompatibles avec leur milieu, ils doivent fuir.


Si parfois le trait de Nichols est trop voyant ou trop appuyé, on suit avec un réel plaisir cette construction de l'entité Mud/Elis. Toujours servie par des images racée et des lumières chaudes, la réalisation berce le spectateur au diapason de la musique planante. Comme Mud, on reste suspendue entre deux rives ou dans ce bateau aérien, vestige d'une époque révolue où l'amour était encore une croyance et non un acte raisonnable.

Alyson Jensen

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