Dee Rees n’en était qu’était qu’à son troisième essai avec « Mudbound » après deux films indépendants restés inédits chez nous (« Bessie » et « Pariah »). Pourtant, cette cinéaste afro-américaine fait montre d’une sacrée maîtrise de son sujet tout comme d’une mise en scène appliquée et propre en accord avec l’histoire. Le scénario écrit par ses soins est très dense et aborde des sujets forts tels que le racisme en cours dans des états comme le Mississipi au milieu du siècle passé et la condition des soldats de retour au pays après la Seconde Guerre Mondiale. En filigrane, on y parle aussi de la difficulté d’être propriétaire terrien à l’époque ou des relations entre anciens esclaves noirs devenus exploitants et propriétaires blancs. Des thèmes et problématiques sérieuses dont « Mudbound » se fait l’écho avec beaucoup de sens et d’intelligence même si ce genre de sujets (notamment le racisme sudiste) a déjà été traité maintes fois, et parfois en mieux.
Ce qui gêne parfois dans ce long-métrage ambitieux, néanmoins davantage sur le fond que sur la forme, c’est son côté trop littéral. La voix off qui exprime et souligne parfois grossièrement le ressenti des personnages est lourde et bien trop présente. A tel point que l’on a parfois la désagréable impression d’une œuvre littéraire transposée maladroitement sur grand écran. Et si le film dure deux heures, la deuxième partie est bien plus intéressante que la première. La présentation des personnages, des enjeux et des faits n’est pas du meilleur effet au début. On entre dans le sujet avec peine sans bien toujours bien comprendre les ressorts et les relations entre les deux familles puis le film cale niveau rythme, s’éternisant sur des moments pas forcément nécessaires au film. Puis, lorsque les personnages de Garrett Hedlund et Jason Mitchell rentrent au bercail après la guerre, le film démarre vraiment, prend son envol et nous captive pour ne plus nous lâcher. Les enjeux se cristallisent réellement et on commence à se sentir plus concerné par le drame en cours.
Pourtant, pendant un bon moment, difficile donc de rentrer dans « Mudbound » et surtout de s’émouvoir pour la tragédie en cours. Finalement, cette fresque familiale, dont l’ampleur n’est pas toujours bien négociée mais dont l’ambition est admirable, sait se rendre attachante et déchirante. Le racisme est bien entendu pointé du doigt mais sans que ce soit trop manichéen et cela paraît assez représentatif de cette époque dans ces régions reculées des Etats-Unis. L’interprétation est sans faute et les paysages infinis du Mississipi sont admirablement filmés, notamment lors de superbes plans larges sur des couchers et levers de soleil où ciel et terre se confondent dans un artifice de couleurs. On sent même que la cinéaste aurait voulu prendre encore plus son temps car des sous-intrigues sont peu exploitées et des faits restent un peu nébuleux (notamment concernant les droits de chacun sur cette ferme et ce terrain agricole). Mais peut-être est-ce pour le mieux au vu du démarrage difficile du long-métrage. Imparfait, ce drame qui a des résonances avec l’actualité nous rappelle pourtant des temps sombres pas si lointains et n’en demeure pas moins intéressant plus il avance dans le temps.
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