Voilà un film singulier. En toute franchise, il est bien trop long ; une demi-heure de moins, ça pourrait donner plus de punch, de rythme à ce cours d'histoire. Cours ? Oui, nous en sommes là. Depuis le formidable Liste de Schindler en passant par son Soldat Ryan ou sa contribution aux séries Band of Brother ou Pacific, Spielberg est devenu une valeur sûre du cinéma "historique". A de nombreuses reprises, la dernière avec son Lincoln que je n'ai pas encore vu, le réalisateur parfois génial s'est laissé dire qu'il devait contribuer à combler les lacunes de ses compatriotes en histoire. Le cinoche à la place des cours ou des livres ; la démarche a au moins le mérite d'exister. Le problème avec les cours d'histoire, c'est que ça peut être chiant.
Le film narre la mise en place d'un commando chargé de venger l'assassinat des athlètes israëliens en 1972 lors des JO de Munich par des membres du groupe Septembre Noir, alias les Palestiniens mouvance Arafat. Pour Spielberg, au regard de ses origines, le sujet est casse-gueule : cette vendetta doit-elle être justifiée ? Et que faire du problème palestinien ? Qui sont les méchant et les gentils dans ce film US donc potentiellement à forte propension manichéenne. Et voilà qu'on retrouve le temps. Spielberg prend le temps de montrer des hommes simples, ordinaires même, vite dépassés par les enjeux de cette vengeance à priori basique (on s'est fait flinguer 11 des nôtres, on en butte autant en face, balle au centre). Très vite le film démontre la complexité, l'imbrication de multiples enjeux. Jouissif, par exemple, de voir la CIA faire échouer un assassinat monté par une filière occulte du Mossad.
Le casting est parfait : Mathieu Amalric, Yvan Attal, Eric Bana, Moritz Bleibtreu, Daniel Craig, Marie-Josée Croze, Ciarán Hinds, Mathieu Kassovitz, Michael Lonsdale, Geoffrey Rush. Oui, il y a des français, et en plus ils sont bons. Bana est touchant, ce qui confirme son potentiel. Craig n'est pas là pour étaler sa plastique, Hinds est formidable, Amalric et Lonsdale sont parfaits, mais est-ce une surprise ?
Alors oui, ce film est long et peut être chiant par certains égards. Mais il faut bien ce temps pour prendre la mesure des enjeux. Le traitement est plutôt neutre, presque froid et clinique. La violence n'est pas gratuite, elle confirme simplement qu'il s'agit d'une guerre qui ne dit pas son nom. Cette oeuvre n'est pas nécessairement aisée mais elle est une meilleure leçon que le Soldat Ryan. Oui, rien que ça. Là où l'opus sur juin 44 bascule irrémédiablement dans un patriotisme inutile, Munich monte en puissance et la dernière demi-heure est superbe de justesse. La musique est quasi inexistante, tant mieux, pas besoin de pathos sur-joué.
Un film de vengeance, d'espion, d'histoire, de mémoire, de trahison, de manipulation, d'amour : un film sur un monde qui bascule dans ces années 70, sans totalement s'en rendre compte.
Une bien belle leçon ; pas au niveau de la Liste de Schindler mais on n'en demandait pas tant.