Avec son premier film, la franco-turque Deniz Gamze Ergüven frappe très fort. Grâce à une mise en scène subtile et à une sensibilité étonnante, elle parvient à réaliser un film doublement insolent.
Insolent d'abord parce que très critique. Au travers de l'histoire de ces cinq soeurs, cloitrées chez leur oncle Erol dans un village perdu au bord de la Mer Noire, elle s'attaque à la société conservatrice turque et à son système patriarcal. C'est la plus jeune, l'indomptable Lale qui, de haut de son innocence, va pousser ses grandes soeurs à se rebeller et à gagner leur liberté. Pour cela, elles vont devoir défier l'autorité d'Erol, sous les traits d'Ayberk Pekcan, aperçu dans la Palme d'Or de 2014 "Winter Sleep". Il incarne le stéréotype (un peu trop parfait) de l'oncle violeur-pédophile pour qui le sexe hors mariage s'avère être la principale menace qui pèse sur l'ordre traditionnel.
Insolent aussi parce que très réussi pour un premier long-métrage, le film est maîtrisé de bout en bout par une réalisatrice issue de la FEMIS, visiblement plus que douée. De l'anxiété au rire en passant par la colère et la tristesse, cet habile cocktail d'émotions est saisissant. Comme les jeunes filles enfermées dans leur maison-prison, le spectateur est pris dans un huis-clos étouffant et désire, tout autant qu'elles, s'enfuir le plus vite possible. Présenté en mai dernier à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes, le film est également porté par d'excellents interprètes, souvent amateurs, et par une exquise Bande-Originale signée Warren Ellis. Même si l'on peut émettre quelques réserves sur l'aspect un peu répétitif du cycle des départs des grandes sœurs ainsi que sur le message libertaire, un brin trop manichéen, "Mustang" fait sans aucun doute partie des films incontournables de cet été.
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