Il y a quatre ans, j'aurais certainement dit que Duncan Jones était un des réalisateurs à suivre lors de ces prochaines années. Comme beaucoup, j'avais vraiment bien aimé Moon et son ambiance mystérieuse. Comme beaucoup, j'avais été un peu déçu de Source Code malgré ses qualités. Pourtant rien ne nous avait préparé à la descente aux enfers qu'il allait subir. Tout d'abord Warcraft, archétype de la grosse production ratée à tous les niveaux, moche, chiante et ridicule. Et puis maintenant vient Mute...Ce qui me désole le plus, c'est que Mute n'a même pas l'excuse d'être un gros blockbuster dont les vils producteurs auraient empêché le réalisateur de s'exprimer. Non, ici c'est le film de Duncan Jones de A à Z. Et ça fait peur.
Lorsqu'on fait de la science-fiction, on a deux choix principaux qui s'offrent à nous. Soit on utilise un univers futuriste pour questionner notre présent et aborder divers thèmes (Blade Runner, 2001 tout ça), soit on use des moyens offerts par la S-F pour créer un divertissement spectaculaire, qui dépasse de loin ce qu'un film d'action basique pourrait offrir ( comme Terminator, Pacific Rim etc). Mute ne fait aucun des deux. C'est bien simple, la trame pourrait se passer de nos jours que cela ne changerait rien. Il y a bien un message qui essaie de nous dire que la technologie c'est pas bien et le dessin c'est vachement bien mais j'ai pas vraiment eu l'impression que les dérives de l'univers présenté soit liés à la technologie... Parce que bon, les banlieues, la prostitution, la pédophilie, la mafia...Je suis pas certain que la science-fiction soit nécessaire pour aborder ces thèmes-là. D'ailleurs y'a déjà des films qui le font très bien sans recourir à un monde futuriste comme le récent A Beautiful Day ou Drive.
Tiens d'ailleurs, Duncan, tu as déjà vu Drive ? Car j'ai noté, disons, quelques similitudes entre ton film et l'oeuvre de Winding Refn. Par exemple : un héros mutique blond aux yeux bleus, des néons, une histoire d'amour qui va entraîner l'élément modificateur, des néons, une exploration des bas-fonds de la ville, des néons, un final au couteau, des néons, une bande-son très présente. Bref, vous avez compris. C'est Drive avec une esthétique à la Blade Runner. Et avec un sous Ryan Gosling aussi.
En parlant des néons, que vaut la mise en scène ? Pour être honnête il y a quelques très jolis plans dans le film et la direction artistique n'est pas follement originale mais fonctionne. La photographie n'est pas dégueux non plus mais j'ai un peu l'impression que tous les films Netflix sont éclairés pareil, y'a overdose de couleurs flashy là. Malheureusement, à part ça, la réalisation est globalement peu inspirée et parfois même désastreuse dans les rares scènes d'action.
Au niveau de l'histoire on oscille entre le déjà vu et le what the fuck total. La partie avec Léo (très fade Alexander Skargard) est follement inintéressante, ne consistant qu'en une succession de rencontres et d'interrogatoires plats. La partie avec les chirurgiens est moins chiante mais plus bizarre. Disons qu'on comprends pas trop où le film veut en venir. Ok, les deux histoires se rejoignent à la fin mais leur accorder une place si importante dans le film était-ce nécessaire ? Limite on les voit plus que Léo ! Les dialogues sont pour la plupart risibles et les réactions des personnages souvent absurdes.
-Le héros qui dit qu'il ne veut rien savoir de ce que sa copine veut lui dire alors que ça a l'air quand même vachement important et qu'elle vient le voir en pleine nuit. Mais bon ils s'aiment donc "c'est la seule chose importante"
-Paul Rudd qui tue des femmes mais est choqué par le fait que son ami soit un pédophile.
-Justin Theroux qui décide de trahir son pote car...Il l'a giflé ?
-Justin Théroux qui attache le héro pour lui donner une voix pour l'entendre dire que...Qu'il est désolé pour Paul Rudd ?! Mais wtf c'est toi qui l'a trahi Paul Rudd...
Le film se veut noir, mature. Il essaye de traiter de la pédophilie, de la prostitution. Mais tout est si mal écrit. On sent que le réalisateur n'a aucun réel propos à transmettre et essaie juste de rendre ça glauque. Tout l'inverse de ce que réussissait à faire A Beautiful Day, ou un seul regard de la fillette suffisait à rendre toute l'horreur qu'elle a vécu.
Mute est un ratage et confirme qu'il n'y a malheureusement plus rien à attendre de Duncan Jones. Si c'est tout ce qu'il est capable de produire en ayant le pouvoir sur son film, on est dans la merde.