Six ans après le funeste Alabama Monroe, Felix Van Groeningen nous revient de l’autre côté de l’Atlantique avec Beautiful Boy, un autre drama aux airs de chemin de croix. Le film se concentre sur la tourmente d’un père (David Sheff aka Steve Carell) face à l’addiction dévastatrice de son fils (Nic aka Timothée Chalamet) à de nombreuses substances, la crystal meth en tête. Tandis que Alabama Monroe traitait du deuil de parents ayant perdu leur jeune enfant, c’est ici celui de la relation si particulière qui s’établit entre un parent et son enfant dont il est sujet. Amitié, complicité, protection… David Sheff est un papa comme les autres, et Nic est à la fois son pote, son fils et son bébé. Quand celui-ci montre des signes de détachement de la réalité et d’attirance pour le monde obscur des drogues dures, David s’enquête d’une tâche impossible: solutionner le malheur de son fils par tous les moyens possibles, et l’extraire d’une spirale insoutenable pour toute la famille.
Si une chose est sûre, c’est que Beautiful Boy se positionne idéalement dans la course aux Oscars, avec deux interprètes infaillibles. Seulement quelques mois après Call Me By Your Name, Timothée Chalamet se surpasse dans un rôle d’addict crédible jusqu’au creux des veines. En parallèle, Steve Carell offre une prestation déchirante, sa plus impressionnante depuis Foxcatcher, qui lui avait déjà valu une nomination pour l’Oscar du Meilleur Acteur dans un Second Rôle. Le film dépeint dans sa structure la métaphore cyclique de l’addiction, dans laquelle chaque rechute est un pas de plus vers une éventuelle guérison.
Tout en présentant les méandres de ce constant besoin de high du fils, Beautiful Boy s’attarde avec brio sur la thématique de l’aide, et du discours que doivent adopter les proches dans une telle impasse. Les rôles sont alors complètement redéfinis, et chacun se doit d’improviser une nouvelle attitude face à l’impuissance, et décider de ce qui semble le mieux, sans vivre chaque faux pas de l’autre comme une défaite personnelle. Un défi terrible s’il en est pour un père, comme en attestent les nombreux pleurs dans la salle, témoins de cette sensation invivable d’échecs en boucle.
Au final, l’appréciation de cette fresque familiale relèvera non pas de l’empathie de chacun, mais bel et bien de l’envie de s’impliquer émotionnellement au moment du visionnage, et de ressentir la peine et le fardeau des hommes. Car Felix Van Groeningen étouffe presque le bonheur, la nostalgie et le rire dans le cycle ambivalent de la famille à travers les quêtes de l’enfant, à l’inverse de films comme Eighth Grade, Lady Bird ou CMBYN, dont l’équilibre était plus mesuré. Beautiful Boy a donc des airs de tire-larmes, mais reste bien plus que ça, notamment grâce à une bande sonore noisy très efficace, et un casting extrêmement impliqué. À chaque séparation depuis l’enfance, les deux hommes échangent toujours un même mot, “Everything”. Total; comme le parti pris dramatique d’un long-métrage qui serre le ventre fort, fort, fort.
— vu au ZFF 2018 | article complet disponible sur TheBergerie.net —