Ce sont des réminiscences de sa propre enfance que la Belge Dorothée Van Den Berghe projette dans cette chronique des années hippie qui prend place à Amsterdam. La jeune Karo, une dizaine d'années, y emménage avec ses parents et une demi-douzaine de beatniks dans un appartement squatté au nez et à la barbe du contribuable néerlandais.
Durant ces quelque 90 minutes d'instants fugaces bercés d'une lumière régénérante, Van Den Berghe passe ainsi l'enfance à la moulinette des utopies adultes. D'abord enthousiaste à l'idée d'adopter un nouveau mode de vie basé sur la liberté et le partage, la petite Karo va petit à petit douter et hésiter à mesure que son foyer se disloque. Pour finir constamment tiraillée entre d'un côté son admiration pour un père militant qui, en prônant la vie en communauté, ne fait qu'exprimer l'étendue de son égoïsme, et de l'autre son amour pour une mère perdue mais qui tait son désespoir afin de permettre à sa famille de subsister.
Bien plus qu'un film sur les hippies et bien plus qu'un panorama de son époque, My Queen Karo est donc surtout la peinture émue d'un âge doux mais cruel où l'adulte que l'on sera commence à transparaitre, et où tout change si vite autour de nous que l'on regarde déjà en arrière avec tristesse ou rage.
Tout ici est filmé à hauteur de trois pommes (environ), la caméra se mouvant autour du regard rond et de la dégaine impayable de cette jeune actrice au talent fou, Anna Franziska Jäger, dont la maturité et la justesse justifient à elles seules le visionnage.
Car même si My Queen Karo a l'allure d'un pénétrant bain de jouvence doux-amer, il manque peut-être de densité pour réellement toucher au coeur. Le film passe à une allure folle, et à peine entre-t-on dans le bain qu'il faut déjà regarder Karo s'éloigner dans le sien, emportée de gré dans les eaux de l'Amstel. Et traînant peut-être avec elle la réalisatrice, qui n'a plus donné de signe de vie depuis 7 ans maintenant. A quand le prochain, Dorothée ?