Ce premier long métrage d'Apichatpong Weerasethakul débute par l'expression « Il était une fois » et un long travelling avant superbe vers l'intérieur d'une ville qui en épouse les rues dédalesques. Il y en aura plusieurs tout au long du film pour marquer les déplacements géographiques. D'emblée, le film se situe au croisement de l'ethnologie et de la fiction. Des scènes décrivent des parents maltraitants voire sadiques, un conflit de génération sous-jacent. Des questions comme « Qu'avez-vous fait aujourd'hui dans le monde extérieur ? » surgissent, de l'ordre du documentaire. Puis une histoire se met en place, elle sera racontée et improvisée par quantité de personnages, dans différents lieux, se construisant au fur et à mesure, flirtant avec le fantastique, devenant à l'occasion une représentation théâtrale, évoluant vers une tournure farfelue. Chaque narrateur fait avancer l'histoire à sa façon. Parfois, des cartons comme dans les films muets prennent le relais de la narration. Le film dégage un sentiment de grande liberté Le noir est blanc délibérément surexposé est une splendeur, il donne une impression de fragilité de l'image, une évanescence accentuée par la lumière blanche qui surgit par les ouvertures. Les plans sont bien composés, jouant avec la dualité intérieur/extérieur. La guerre du Pacifique est évoquée. Puis la légende du tigre sorcier. L'histoire se conclut, dévoilant son processus de fabrication, sur des images de jeux, métaphore de ce qui vient d'être montré. Un très belle musique accompagne le générique final. Dès ce premier film, le cinéaste pose les jalons d'un cinéma ambitieux dont le style ne cessera de s'affirmer Une très belle découverte.