Il était une fois deux enfants dont les vies furent brisées. Cela se passa pendant un été. Un curieux homme était entré dans leurs vies et en ressortit non sans dommages. Le premier enfant oublia et se prit à rêver à des vaisseaux spatiaux et à de petits hommes verts. Le second se souvint et s'offrit à de nombreux hommes, en quête de souvenirs. Et puis, les deux garçons se retrouvèrent.
Se lancer sur un sujet aussi délicat que la pédophilie, d'autant plus quand un étrange amour naît entre le monstre et sa victime, nécessite un travail en finesse et une grande intelligence. Et heureusement pour nous, Gregg Araki réussit avec brio.
Mysterious Skin est un film envoûtant à l'image de sa superbe affiche. Envoûtant et terrible. Terrible car des deux itinéraires possibles pris par Brady Corbett et Jospeh Gordon-Levitt, on se doute qu'aucun des deux ne mènera à l'apaisement.
Quand le premier fantasme son enlèvement par des extra-terrestres, faisant obstruction totale de la tragédie qu'il a connu, le second, trop conscient de celle-ci préfère la revivre cent fois et retomber encore, pour ne pas oublier ce qu'il a ressenti. Mais à la fin, le cynisme persiste, une telle blessure ne peut être guérie. Et bien que la fin, si effroyable soit-elle, où Neil narre à son camarade effondré ce qui s'est réellement passé, contienne un peu d'espoir de guérison à deux, c'est dans les larmes que le film s'achève malgré tout.
La finesse de l'écriture sauve le scénario du double précipice qui le menaçait. D'un côté le pathos larmoyant et de l'autre, le clinique type Haneke. Mysterious Skin est certes un film profondément dérangeant mais qui exhale une poésie subtile et maladive, une douceur de larmes et la lumière d'un jour d'hiver.
Porté par Joseph Gordon-Levitt, brutale incarnation du désir, à la fois sombre et sensuel et Brady Corbett, tout en refoulement, Mysterious Skin est un film nécessaire. Un de ces très grands films qui portent en eux une émotion rare et nous laissent dans la bouche un goût amer mais salvateur malgré tout.