Le film oppose deux mondes : la Roumanie communiste des années 80 filmée dans des couleurs "flashy" et dans le style "soap opera" (avec musique horripilante idoine) et la Roumanie capitaliste d'aujourd'hui filmée de manière hyper-réaliste en noir et blanc sur fond de musique rock (souvent). Dans les deux cas, on suit une femme conduire sa voiture dans Bucarest : une chauffeuse de taxi pour la Roumanie des années 80, l'employée d'une boîte de com' (le personnage principal du film) à la recherche d'accidentés du travail destinés à témoigner dans un film d'entreprise pour l'autre. Si le film se moque d'une Roumanie communiste "barbie-risée", il est surtout une critique au vitriol de la Roumanie actuelle où chacun est seul, où toutes les relations humaines sont tarifées, où tout le monde exploite tout le monde, où la seule bouffée d'oxygène possible est le défoulement sur les réseaux sociaux et la fuite dans la vulgarité, et où les pauvres sont plus qu'ailleurs toujours perdants. A ce titre, la dernière très longue scène du film, tournée en plan fixe ( et pour la première fois en couleur) est remarquable : on s'y retrouve en pleine comédie italienne (les Roumains sont aussi des latins !), genre Ettore Scola, car elle tire très nettement vers "Affreux, sales et mechants". Il n'y a effectivement pas trop à attendre de la fin du monde communiste dans la vision très sombre de l'auteur.
Néanmoins, et même si les 2h45 passent très vite, le film est moins riche et moins percutant que le précédent "Bad Lucky Banging or Loony Porn" de l'auteur. Tout aurait pu y être dit en effet (de manière plus percutante) avec une heure de moins.