Quand j'ai appris qu'un biopic sur NWA allait être tourné, je n'ai pas pu m'empêcher de sauter de joie, surtout après avoir vu que Ice Cube et Dr. Dre allaient veiller sur la réalisation. Pour tout vous dire, je comptais les jours jusqu'à la sortie et je comptais bien me ruer day one dans un cinéma pour le mater le plus vite possible. Finalement, à force d'attendre, ma motivation s'est tarie et j'ai attendu plus d'une semaine avant d'aller le voir. Cependant, j'en attendais encore énormément. Je n'avais vu aucune bande-annonce, histoire de ne pas me spoiler le film. Ce qui en soit est très con puisque je connaissais déjà peu ou prou l'histoire de NWA. Bref, j'y suis allé accompagné par un pote qui non seulement ne connaissait absolument pas NWA (même de nom), mais qui en plus n'écoute ABSOLUMENT pas de rap. Je voulais être sûr que mon fanboyisme n'allait pas biaiser mon regard sur ce film et pour ça quoi de mieux que d'amener un cobaye vierge de toute prénotion ? Son verdict en sortant de la salle : le film était cool, la musique était sympa, les personnages attachants et le scénario assez prenant. Ouf, déjà il ne m'en veut pas de l'avoir traîné devant ce film. Une question qui me taraude néanmoins : et moi alors, est-ce qu'il m'a plu ? Vaste question.


Je commencerais par dire un grand et majestueux OUI ! Oui bordel, j'ai kiffé du début à la fin et je n'ai pas vu passer les 2h30 qui composent ce film. Retrouver les anti-héros de NWA le temps d'un film plutôt bien réalisé dans l'ensemble afin de pouvoir revivre leur histoire commune, c'est un pur bonheur. Les séquences se déroulant sur scène sont juste incroyables et font littéralement rêver le fan de rap que je suis. Voir les artistes à l'œuvre dans les studios, les débuts de Eazy-E au mic, la construction du mythe Dr. Dre, l'écrasante supériorité d'Ice Cube dans l'écriture... C'est beau putain ! Mais là quelque chose a déjà dû vous choquer dans ma phrase. Où sont MC Ren et DJ Yella ? Eh bien ils sont assez effacés. Évidemment, on les voit durant la première moitié du film, au moment de l'élaboration de Straight Outta Compton, puis pendant les quelques années qui suivent, mais très vite, ils disparaissent pour ne faire qu'une rapide apparition vers la fin. Et ne parlons pas d'Arabian Prince qui a été purement et simplement zappé, comme s'il n'avait jamais existé alors qu'il faisait partie du groupe de 1986 à 1988. D'ailleurs, c'est un des problèmes majeurs du film qui a parfois du mal à tenir la route en tant que biopic et en tant que film dans le sens strict du terme.


Ice Cube et Dr. Dre ont visiblement remodelé la réalité. Non pas que le film soit mensonger, ce n'est pas le cas. Disons plutôt qu'ils se sont arrangés pour que les spectateurs aient une image bien particulière de chaque personnage. On a l'impression que Dre est blanc comme neige dans l'histoire et que Eazy-E et Jerry Heller sont les deux grandes causes de l'éclatement du groupe. Or, quand Ice Cube a quitté NWA, il accusait Dre de détourner lui aussi des royalties. Dans la même logique, on présente Ice Cube comme quelqu'un d'assez lisse alors qu'il était surveillé de près par le FBI et qu'il était constamment attaqué par diverses associations à cause de son prétendu antisémitisme, machisme, racisme anti-coréens, anti-blancs, etc... D'ailleurs, de manière générale, le film est trop lisse. A aucun moment on ne ressent Compton. Il s'agit d'un lieu oppressant, dangereux, où vous ne pouvez faire confiance à personne, où la mort peu vous tomber dessus à tout moment. Les flics comme les habitants sont susceptibles de vous tirer une balle dans le dos. Enfin bref, c'est un archétype des ghettos noirs américains. Dans le film, tout a l'air relativement calme. Il y a bien quelques gangsters, mais ils ne tirent jamais. Il y a aussi les flics, mais ils n'ont pas l'air bien nerveux non plus. Quant au décors, il est bien trop lisse et coloré pour être honnête. Du coup, les quelques séquences mettant en scène des gros fachos de flics ne sont pas très crédibles. Même la seule mort violente du film se fait hors caméra. Il ne se dégage aucune tension de Compton et c'est bien dommage.


Mais ce n'est pas le seul problème du film. En effet, il ne fait pas que se viander en tant que biopic, il se rate aussi en tant que film tout court. La structure narrative est parfaitement anarchique ce qui entraîne deux conséquences majeures : de grosses incohérences et un rythme déséquilibré. En ce qui concerne ce dernier, c'est assez simple à expliquer. Le film se divise grosso modo en deux parties : l'avant et l'après éclatement du groupe. La première moitié fonce à toute vitesse ! Elle oublie parfois des éléments importants mais qu'importe, on est happé par l'histoire et la musique et on ne se soucie pas du tout du reste. La seconde partie en revanche pose un énorme souci. Elle est beaucoup plus lente et se centre sur les histoire de fric et de contrats. Ce sont des points très importants certes, mais qui à la longue sont peu divertissants. En clair, le public moyen risque de se faire chier. En tant que fanboy débile, j'ai regardé avec fascination le film du début à la fin sans cligner des yeux, mais je conçois que la plupart des spectateurs ont dû trouver le temps long, d'autant que la musique se fait elle aussi bien moins présente à la deuxième moitié. Du coup, que se passe-t-il à partir du moment où un film laisse aux cerveaux des spectateurs le temps de vagabonder ? Ils repèrent bien mieux les conneries scénaristiques et les incohérences dans le montage. Et putain que ce film est bordélique ! On a parfois du mal à se situer dans le temps, même en connaissant la discographie de chaque artiste par cœur et certaines scène restent sans suite, laissant penser qu'elles ont été tournée, intégrées au film, mais que le réalisateur n'a pas su comment s'en servir de manière pertinente sans allonger considérablement le film. Par exemple, la discorde entre Dre et sa femme conduit à une scène de dispute où cette dernière se barre avec leur gosse. Comment cela se termine-t-il ? On ne sait pas, peut-être parce que les scénaristes ont oublié d'en parler. Du coup, on ne sait pas ce qu'apporte cette scène au film, à part humaniser Dre, pourtant déjà transformé en boy-scout bien sage. Et le film est rempli ras-la-gueule de petits passages plus ou moins inutiles dont la place aurait dû être occupée par quelques scènes sur MC Ren et Yella. A l'inverse, des sujets très importants ont été oubliés, comme la bataille musicale opposant Dre et Eazy-E en 1993 ("motherfuck Dre, motherfuck Snoop, motherfuck Death Row"). Et je terminerai le cahier des charges sur les séquences mettant en scène Eazy-E sans Dre et Ice Cube : nulle doute que leur représentation est très subjective, le pauvre Eazy n'étant plus de ce monde pour défendre sa poire.


Du coup, pourquoi avoir collé un "7" au cul de ce film que je passe mon temps à descendre depuis le début de cette critique ? Tout simplement parce qu'il parvient à icôniser les personnage qu'il met en scène. Après avoir maté ce métrage, vous n'aurez qu'une envie : vous lancer dans le rap pour balancer des saloperies avec autant de virtuosité que Ice Cube, ou bien pour sublimer la violence de la société avec des sons qui claquent comme Dre. Chaque personnage trimballe une aura particulière qui séduit autant qu'elle repousse. NWA fait peur, mais surtout NWA fascine. C'est l'histoire de cinq types surdoués qui saisissent leur chance de devenir les maîtres du monde en un seul album. NWA, c'est un groupe de conquérants et c'est de là que vient leur puissance. Et cette puissance, elle atteint son paroxysme sur scène quand les membres interprètent leurs morceaux devant un public au bord de l'hystérie. Les séquences scéniques sont d'une jouissance absolue et je défie quiconque de me dire le contraire. Voilà pourquoi j'ai aimé ce film : il cristallise la vision qu'on avait de NWA : la puissance, la désinvolture, le talent, le charisme et la violence, qui sert de moteur à tout ça. Alors peut-être que le film est imparfait, peut-être qu'il aurait pu être mieux terminé, mais personnellement, j'ai eu ce que j'attendais : de la musiques, une ambiance hip-hop west coast décomplexée, des figures iconiques intemporelles et une mise en scène ravageuse qui donne la gaule à chaque fois que Ice Cube et Eazy-motherfuckin'-E prennent le mic. Voilà, ce film c'était une bombe et je vais certainement sauter sur le DVD pour me le bouffer de nouveau dans quelques mois !

TheOctagon
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le 30 sept. 2015

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