La nageuse a le blues. Depuis si longtemps qu’elle enchaine les longueurs de bassin, battant l’eau de ses deux bras en ailes de papillon, Nadia craque. Encore une course avec ses copines du 4x200 mètres de l’équipe canadienne en finale des JO 2020, et elle a décidé de raccrocher. Une médaille de bronze gagnée qui pour elles vaut de l’or, et après, l’envie de laisser s’exprimer sa lassitude ; trop-plein de cette emprise du collectif sur sa personne, de cette vie de sacrifices, de cette incapacité à pouvoir faire des choix personnels, de ces voyages aux quatre coins du monde dont elle ne voit rien, où tout se ressemble, « une piscine à Moscou c’est pareil qu’une piscine à Bucarest ».
Nadia Butterfly n’est pas un film de sport. C’est un film psychologique dans l’univers du sport, l’envers du décor olympique et de ses paillettes, des médailles qu’on exhibe tout sourire. Le portrait d’une jeune femme de 23 ans, de sa nécessaire émancipation, de son envie de prendre le contrôle de sa vie qu’elle commence à découvrir dans les excès du Village olympique et dans une déambulation solitaire et anonyme dans Tokyo. Scène attendrissante qui résume cette envie de prendre les choses en main, quand au détour d’une fête foraine elle tente sa chance dans une de ces attractions où il s’agit d’attraper un lot avec une pince que l’on télécommande. Elle gagne une peluche mascotte des JO, identique à celle qui lui avait été remise avec sa médaille, que finalement elle abandonne là. L’essentiel était de l’avoir gagnée seule.
Tout cela est superbement filmé, souvent en plans séquences au plus près des personnages, et parfaitement interprété avec beaucoup de naturel notamment par l’actrice principale nageuse professionnelle qui a réellement remporté la médaille de bronze en relais aux JO de Rio en 2016.