Le film de Mike Leigh est un film noir, très noir, dans lequel chacun des personnages témoigne d'une ostensible misère morale née, non pas de la crise économique anglaise à laquelle le cinéaste ne fait même pas allusion, mais d'une désespérante solitude. Ce marasme affectif, loin de rapprocher ces déshérités du coeur, entache leur relation par le dépit et la brutalité que leur vie médiocre a engendrés en chacun d'eux. D'où viennent-ils? Où vont-ils? Mike Leigh ne le dit pas. Il met en scène des personnages à l'état brut avec une acuité et une rudesse déprimantes.


Au coeur de ce dispositif pathétique, un jeune homme en voie de clochardisation promène sa silhouette dégingandée de rencontres en rencontres où il professe sa philosophie désabusée, une culture étonnante et son cynisme. Son ironie grinçante témoigne que l'humour noir est la politesse du désespoir.

La caméra de Leigh colle aux personnages, comme pour un exercice de cinéma-vérité, et découvre pour chacun d'eux la grossièreté, la violence ou un regard triste. La ville est laide, sale et les couleurs sont grises. Et le réalisateur sait nous toucher parce que ses figures sont justes, drôles (si, si), émouvantes. De fait, la dimension et la portée du film sont humaines plus que sociales.

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