Angle mort
Il en est des personnages historiques comme des pièces de théâtre patrimoniales : à chaque fois qu’un metteur en scène s’y attaque, il se doit de livrer sa lecture, et prend soin, avec plus ou moins...
le 26 nov. 2023
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Pour son 28e long-métrage, le réalisateur britannique Ridley Scott revient avec un biopic sur une figure célèbre et clivante : Napoléon Bonaparte. Le réalisateur de "Blade Runner" et de "Le Dernier Duel" nous avait annoncé un projet dantesque, avec une fresque épique de 3h45. Mais cette version, trop longue pour le format des salles, verra le jour sur la plateforme AppleTV+, la société à la pomme étant à la production. Nous voici donc avec une version de 2h38, relatant la vie et les conquêtes du Général Bonaparte. Est-ce là le retour en force du réalisateur ? Ou un Waterloo de la cinématographie de Scott ?
Hélas, on ne peut que constater la déception face au résultat final. En souffrant d'un montage bancal, le métrage enchaîne ses scènes avec une frénésie qui frôle l'excès de vitesse, venant survoler la vie et le personnage de Napoléon. Avec la désagréable sensation que le film ne nous raconte rien. Nous voilà baladés dans un récit qui survole tout, avec un Joaquin Phénix qui ne convainc pas.
Mais si nous attendions bien une chose de ce projet, c'est bien que Ridley Scott sot derrière la caméra ! Bien que le réalisateur a pu nous décevoir avec son dernier film "House of Gucci", l'espoir renaissait face aux premières images de son nouveau long-métrage. Et on ne peut pas le nier, le plus gros point fort de ce film se porte sur ses scènes de batailles. En mettant en scène des batailles comme celles d'Austerlitz, de Waterloo... Scott sauve les meubles en nous proposant une nouvelle fois un certain souffle épique. Scott a toujours su filmer l'épique, donner un souffle à certaines scènes, et heureusement, ce sera l'atout majeur de ce film.
Que ce soit avec des scènes de charge à cheval, où le galop des cheveux résonne comme une masse implacable, ou une certaine largeur de champs, donnant une grande amplitude à ces batailles. Nous voyons là que le réalisateur parvient à reprendre le contrôle de sa caméra, sans pour autant atteindre les sommets de ces œuvres précédentes. Malgré tout, le métrage est clairement à son plus fort dans ses batailles, ces masses qui s'entrechoquent, des puissances qui s'affrontent au prix humain... En somme, le métrage peut s'appuyer sur une photographie plutôt soignée, notamment avec au travers de la scène du couronnement de Napoléon.
Au travers de cette scène, bien trop courte, hélas, le film touche du doigt la beauté d'un tableau, tant par sa lumière que le cadre de la caméra. Il est dommage de voir que le reste du métrage plonge dans une mollesse abyssale. Scott ne parviendra jamais à icôniser sa figure principale, ni à faire quelque chose de sa mise en scène, avec des enchaînements d'un académisme décourageant, et un montage épileptique. Un ensemble convenu, mou, et oubliable au final.
Si la caméra de Scott semble fatiguée, on peut également porter la faute à son rythme narratif. Et ce sera le plus gros point faible de ce biopic, en fonçant à toute allure et en survolant toutes les thématiques qu'il souhaite aborder. Il est dommage de voir un métrage ne jamais parvenir à nous raconter quoi que ce soit, avec une absence totale de contexte sur certains événements, rendant le tout parfois incohérent. Au fur et à mesure du récit, on perd le fil devant un enchaînement confus de la vie de Bonaparte. Devant cette confusion narrative, le spectateur peine à se repérer dans cette constellation de personnages obscurs.
Et dans tout ce tourbillon brouillon, nous voyons des dates fuser aléatoirement, sans que le film nous explique ce qu'il se passe. Si le défi de faire tenir une vie aussi dense dans un film de 2H30, le scénario ici tranche dans le lard avec une vielle machette rouillée: les coupures ne seront jamais nettes !
Et là où le film fait mal, c'est dans son traitement des thématiques qu'il semble vouloir aborder. En commençant par la figure de Napoléon, il est frustrant de constater que le métrage n'y posera aucun point de vue. Le réduisant à une figure passagère dans son propre récit, on se demande constamment ce que le film tente de nous dire. Tirer un portrait d'un homme toxique, une thématique chère au réalisateur ? Décortiquer le personnage Napoléonien ? Que ce soit en mettant en lumière ce "génie" militaire et du coût humain, où jusqu'où l'ambition dévorante, l'hubris, peut mener à la tyrannie ? On ne le saura jamais vraiment, tant tout est effleuré, sans jamais approfondir quoi que ce soit. Le tout avec un Joaquin Phénix, tantôt d'un stoïcisme forcé grotesque, tantôt d'une bouffonnerie décourageante...
Au final, “Napoléon” est une déception tant le métrage semble d’une inconsistance, et d’une inconstance folle ! Que ce soit par un Joaquin Phénix qui ne rentre pas dans la peau de son personnage, d’une Vannessa Kirby sous-exploitée... Le métrage ne parviendra jamais à aller plus loin que son vernis superficiel qu’il pose sur ses thématiques. Heureusement que la photographie, et ses quelques scènes de batailles, viennent sauver cette défaite cinématographique. Un film mou, qui manque de profondeur comme de mordant !
Créée
le 11 déc. 2023
Critique lue 7 fois
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