Angle mort
Il en est des personnages historiques comme des pièces de théâtre patrimoniales : à chaque fois qu’un metteur en scène s’y attaque, il se doit de livrer sa lecture, et prend soin, avec plus ou moins...
le 26 nov. 2023
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Il y avait beaucoup de raisons de penser que ce biopic sur l’une des figures françaises les plus emblématiques allait droit dans le mur. D'abord qu'elle soit réalisée par un cinéaste britannique exilé à Hollywood. Certes ce n’est pas la première fois qu’une telle chose arrive (il y a par exemple le « Marie-Antoinette » de Sofia Coppola dont le mort ouvre le film ici) pour les portraits et bien d’autres pages de l’Histoire française qui ont subi un traitement hollywoodien. Plus gênant (pour les français cinéphiles en tout cas) : le fait que le film soit tourné dans la langue de Shakespeare plutôt que celle de Molière à des fins mercantiles et d’exportation. Le public d’outre-Atlantique étant visiblement, malheureusement et majoritairement allergique aux sous-titres. Encore une fois, c’est pourtant tristement courant : la « Jeanne D’Arc » de Luc Besson, qui était pourtant une production française, a par exemple été filmée en anglais (!). Imaginez un biopic sur Théodore Roosevelt tourné par Olivier Dahan en français avec Benoit Magimel... C’est ce qui s’appelle un non-sens total, mais bon on est habitué.
Enfin, dernier problème et non des moindres: le blockbuster historique de Scott a été financé par la plateforme Apple et devait, à la base, durer plus de quatre heures. Or, ce « Napoléon » versions salles a été amputé de près de sa moitié pour la version cinéma. Et c’est le principal talon d’Achille d’un film qui ressemble davantage à une fiche Wikipédia sur le personnage et à une biographie désincarnée qu’à un véritable biopic réussi et racé sur le sujet... En effet quand on coupe deux heures d’un film, s’étonner de son côté synthétique et superficiel n’a pas de sens. Il faudra donc attendre la version disponible sur Apple pour pouvoir vraiment juger de la réussite ou non du film. Exemple qui montre bien l’aberration en cours : l’actrice Ludivine Sagnier créditée à l’écran au générique de début n’apparaît même pas dans cette version!
En attendant, ce « Napoléon » qui nous est proposé ici empoigne beaucoup trop de défauts impardonnables qui le font ressembler à un grand film malade. Surtout quand on a Scott derrière la caméra, un cinéaste habitué aux films d’époque grandioses de « Christophe Colomb » à « Gladiator », et l’un des acteurs les plus incroyables du moment, Joaquin Phoenix, devant. Qui plus est, réunis pour le portrait d’un des plus grands personnages historiques (enfin par le poids dans l’Histoire et non la taille) qui soit. Forcément, on sent beaucoup trop les coupes ici et sur tous les versants du récit. Par exemple, ce qui était censé être le cœur de l’histoire, la relation de Bonaparte avec sa Joséphine, ne nous passionne jamais. On n’y croit pas, c’est trop réduit et elliptique pour qu’on puisse avaler ou s’imaginer que ces deux-là s’aiment de passion. Vanessa Kirby se débrouille comme elle peut. Quant à Joaquin Phoenix, on peut même avancer que - sans être mauvais – il passe à côté du rôle : impassible et inexpressif.
Le film couvre presque trente ans d’Histoire française en à peine deux heures et demi ce qui aboutit à une œuvre tristement anecdotique où tout semble survolé ou passé à la trappe. Si on peut passer sur les raccourcis et erreurs historiques, « Napoléon » étant avant tout une fiction et non un documentaire, l’accumulation de toutes ces tares devient presque agaçante. Ajoutons à cela des scènes de batailles certes bien chorégraphiées et retranscrites mais très courtes et une photographie tristement terne et grisâtre, comme si le film avait été passé à la poussière. Bref, voilà une amère déception dénuée de tout souffle épique et de vertus éducatives en plus d’être vidé de toute la passion inhérente à une telle fresque. Soit Apple aurait dû sortir le montage initial et aller jusqu’un petit quatre heures (Scorsese l’a bien fait pour « Killers of the Flower Moon » même si c’était trop long) ou alors ne pas sortir une version hollywoodienne à ce point aseptisée et à côté de ses bobines du tout. Revoyez plutôt l’excellent « Le dernier duel » passé inaperçu et qui constitue l’excellence de Scott en matière de films historiques même si cette version salles de « Napoléon » est très loin d’être mauvaise ou complètement ratée, juste décevante et frustrante.
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Créée
le 24 nov. 2023
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